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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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tour, il le vit. Et soupira.
    — J’arrive ! brailla encore Bonnefoix. Faites-moi une place...
    Avant de pouvoir réagir, ce gros petit bonhomme têtu et malin avait trouvé son passage et se présentait à notre table. Aussitôt, il se jeta sur le vieillard qui nous faisait face :
    — Monsieur, je vous félicite pour l’excellente santé dont notre Seigneur vous a gratifié.
    Le vieillard un peu sourd porta la main à l’oreille et se tourna vers le flatteur :
    — Que dites-vous ?
    — Vous c’est l’ouïe, et moi c’est la vue. Je suis, pour ainsi dire aveugle. Je vous regarde, si je puis parler ainsi, et devine que vous êtes un homme bon, juste et sage, mais seriez-vous mon pauvre père que je passerais devant vous sans même vous embrasser.
    — C’est embêtant de ne pas reconnaître les siens, répondit le vieillard.
    — Pis, monsieur. C’est tragique. Car cette infirmité, ce n’est pas comme vous à qui il suffit de mettre la main en cornée pour obtenir sitôt d’excellents résultats. M’entendez-vous ?
    — Parfaitement, ne criez pas si fort !
    — C’est que je ne sais plus où vous êtes exactement. Aussi, je m’adresse à vous comme à une ombre, mais aussi comme à mon sauveur. Ou mieux comme à mon père que je ne vois plus.
    — Que puis-je pour vous ? s’inquiéta l’autre.
    — Il y a là-bas une place qui ne vous empêchera pas d’entendre et, si vous me cédez la vôtre, je pourrais voir. Me suivez-vous ?
    — Ne criez pas si fort... Vous suivre où ?
    — Alors, c’est par là ! Merci, monsieur.
    Il prit sa main, la serra, le remercia encore en le tirant de son siège. L’instant d’après, il s’asseyait en face de nous.
    — Que mangez-vous là ? Permettez, monsieur de Saint Val, que je goûte. Hum... Sinon, quelles nouvelles ?
    — Comment as-tu fait pour nous retrouver, Jean-Baptiste ? questionnai-je en riant.
    Il posa les coudes sur la table, en jouant les furieux :
    — Tout d’abord, j’ai songé que ce monsieur voudrait vous montrer son terrier. C’était certain. J’y ai pensé dès mon réveil bien qu’étant peu assuré de disposer toujours de ma tête. Ensuite, j’avais le choix. Mais j’ai une langue et elle ne manque point de talent pour poser des questions. Ainsi, j’ai remonté le fil tel que le fit Thésée 1 ... Des jeunes filles de la Miséricorde à ce voisin menuiser – une taille d’ogre ! –, en passant par cette femme belle et ténébreuse qui semble si forte et si faible à la fois, je vous ai suivis à la trace. Cela m’a coûté trois livres en bière et autres pichets. Votre père s’en plaindra.
    Il soupira et secoua la tête :
    — Dois-je accuser le vin ? Il me semble en tout cas avoir perdu votre piste un long moment. Comme une absence, un silence. Imaginez mon inquiétude ! Où étiez-vous ? Mystère... Vous ne répondez pas ? Toc-toc. Ah ! j’ai hésité à frapper. Vous ne répondez toujours pas ? C’est votre droit, car on me traite en valet, mais j’espère que votre père n’aura pas à s’en plaindre. Rentrons-nous maintenant ?
    — Jean-Baptiste ?
    — Oui, mademoiselle Hélène.
    — As-tu fini de bouder ?
    — Je vous suis, je vous assiste. Je vous couvre, je vous protège. Je vous précède, s’il le faut. Je mens et jure pour vous. Mais ne jouez pas avec mon cœur. Prévenez-moi. Dites-moi : « Je vais là ; je reviendrai demain ; j’aime François ». Mais ne laissez jamais ce pauvre Bonnefoix dans l’ignorance.
    — Je fais cette promesse. Alors, on se réconcilie ?
    Bougon, il fit mine de réfléchir, mais déjà son œil s’allumait. Il se saisit d’une pinte de bière destinée à son voisin et la brandit face à nous :
    — C’est entendu. Buvons à vous !
    Il avala d’un trait, s’essuya la bouche au coin de son manteau :
    — Alors ? Comment vont les amoureux ? Bien, semble-t-il...
    On ne put lui répondre. Les trois coups furent frappés. Le rideau se leva.
    Par quel miracle cette scène était-elle devenue si grande ? Le regard s’habituait. Le mien n’avait connu que le théâtre ambulant dans lequel la poésie et la drôlerie font office de décors. Un château ! Ils avaient construit ce monument tout entier dans un espace si réduit. Et cette allure, je le connaissais... Je réfléchis encore en plissant les yeux. Dedans, le trompe-l’œil, géniale machination, apparut. Ce décor-ci représentait Versailles. Nous étions face à l’entrée et il faisait nuit. Une porte, cachée dans

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