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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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plaindre quand un hululement terrifiant jaillit du fond, sans que l’on puisse savoir exactement d’où surgissait la menace.
    « Ah ! », hurla la vicomtesse, en portant la main à sa poitrine. « Ah ! » fit Pantalon en se tournant vers nous. « Ah ! » rugit le Capitan Matamore qui avait ouvert la porte et montrait du doigt l’entrée du Chapeau-Rouge, avant de s’enfuir.
    — Ah ! s’écria encore la foule en se tournant quand, avançant dans le noir, apparut une forme blanche qui progressait lentement.
    — Un fantôme ! hurla Arlequin.
    — Un revenant ! balbutia Pantalon.
    — Non ! L’au-delà ! répondit la forme blanche.
    — Ah ! répéta la salle, prête à y croire.
    — Dehors ! Qu’il parte ! lança l’un de nous, sans doute complice des acteurs.
    Aussitôt, l’assemblée s’engagea dans cette voie : « Dehors ! Hou ! À mort ! »
    La résistance l’emporta... L’au-delà fit demi-tour et s’enfuit dans la rue.
    « Ah ! », glapit de nouveau la vicomtesse en découvrant que, sortant de la cheminée, cette chose inquiétante réapparaissait.
    — Quel beau tour de magie, applaudit François.
    Jean-Baptiste, lui, se signa.
    Arlequin s’avança à pas de loup, demandant au public de compter avec lui. Un, deux... La forme blanche ne bougeait pas. À trois, elle éleva les bras et se montra à Pantalon :
    — Cent louis ! C’est un ordre. Ou tu brûleras en enfer pour avoir défloré cent pucelles.
    Pantalon s’exécuta. Le fantôme virevolta et se rapprocha de Scaramouche.
    — Trois cents louis, si tu veux que je souffle à l’oreille du roi que tu es noble.
    Scaramouche posa, d’une main tremblante, une grosse bourse sur la table.
    — Mais qui es-tu ? demanda Arlequin, s’adressant à la salle.
    — Oui, qui es-tu ? supplièrent les spectateurs.
    La forme blanche s’avança au milieu de la scène :
    — Je suis le fantôme de Versailles, venu croquer les pieds des courtisans.
    Il s’avança encore. Il devenait menaçant :
    — Je demande réparation pour le tort que l’on m’a fait !
    Il se penchait vers le premier rang, prêt à bondir :
    — Je suis l’esclave de Louisiane, et j’exige moi aussi mon morceau de terre ! Oui, donnez-moi la Louisiane...
    — Mais tu es Pierrot ! Je te reconnais, dit le même complice noyé dans la salle.
    Par un effet qui nous emplit d’admiration et de stupeur, les flammes des chandeliers revinrent toutes en même temps. Alors, on vit la forme blanche, et c’était bien un Pierrot à la tête lunaire enfarinée. Des larmes noires coulaient de ses yeux. Il ne faisait plus peur. Il nous attendrissait. Il nous regardait. Et parla d’une voix profondément calme :
    — Je me présente à vous, gens de peu d’importance mais de grand cœur, car je sais que vous me comprenez. Esclave, condamné au martyre pendant ma vie, la mort m’offre le droit de faire souffrir à mon tour. Je vais errer ainsi, fantôme, compagnon de Pierrot, jusqu’à obtenir vengeance pour les maux que j’ai supportés. Ainsi, je sais maintenant que pour renaître, il me fallait mourir.
    Il salua. On l’applaudit. Mieux, on l’ovationna :
    — Pierrot ! Pierrot ! Montre-nous ton visage ! hurla le complice.
    Turlupin vint à ses côtés et calma les spectateurs :
    — Le public est roi !
    Celui-ci le complimenta en doublant la salve.
    — Ce qu’il veut, il l’obtient, reprit Turlupin. Pierrot-fantôme, montre-toi !
    Et survint l’ultime effet que personne n’attendait.
    Sous son masque, Pierrot était de peau noire et ses larmes coulaient vraiment. On se tut, séduit et vaincu. Puis l’un de nous hurla son bravo, tambourina, frappa des mains. Suivi par un deuxième, un troisième. Et tous, nous nous levâmes. La troupe salua. S’éclipsa pour mieux resurgir. Salua, et ainsi pendant de longues minutes.
    Turlupin fit avancer tour à tour Eva del Esperanza, Polichinelle, Arlequin, Pantalon, le Capitan Matamore, mais la salle réclamait toujours Pierrot.
    — Puisque tu es fantôme, tu sais ce que nous ne savons pas ! cria un spectateur.
    — Tu passes à travers les murs ! Tu n’as pas besoin d’écouter aux portes ! lança une autre voix empâtée par la bière.
    — Alors, dis-nous qui se cache vraiment derrière toi ! hurla un apothicaire. Sinon, je viendrai moi-même disséquer ton squelette.
    — Moi, je crois aux revenants, rugit un drapier arborant une chemise richement tressée de fils d’or et d’argent. Mais celui de Versailles est-il une farce ?
    Pierrot

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