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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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pouvait-elle se saisir de la poupée sans la réduire en miettes ?
    La réponse se trouvait dans le sourire du géant. Le menuiser était aussi bon que grand. Il se leva pour me saluer et dans sa précipitation marcha sur la pièce de bois qu’il venait de coller. Le tout se fracassa. L’artiste ne fit que soupirer.
    — Venez, me dit François.
    Après le commerce, on trouvait une cour pavée où poussait un chêne vert. Celui-ci était trop jeune pour craindre son voisin qui taillait et tapait de nouveau en chantant : Le vin est franc, plonge dedans ! Le vin est doux, il te rend soul ! Entends ma cour, mon doux amour ! C’est pour toujours, mon doux amour ! Nous laissâmes encore derrière nous, une armée de poussins jaunes qui piaillaient de peur tandis que maman poule plongeait le bec et tirait le cou, et semblait recompter sans cesse ses petits. François caressa l’échine d’un vieux molosse qui tenta d’obtenir plus d’affection en se mettant sur le dos. Alors, nous arrivâmes à l’escalier dont les marches craquaient, preuve de leur sage ancienneté. J’oubliais. Il y avait une fontaine d’eau. François n’avait pas menti.
    L’ascension était raide, le passage étroit. De plus, on tâtonnait dans la pénombre. Il hésita cependant à monter devant moi.
    — Les conventions voudraient que ce soit l’inverse, balbutia-t-il. Encore que vous venez pour la première fois et qu’il me faut veiller aux mauvaises rencontres. Mais, je vous rassure, s’empressa-t-il d’ajouter, vous ne craignez rien.
    Il se tut et se donna du courage en gravissant les marches deux par deux. Moi, je prenais mon temps. J’avais décidé qu’il en serait ainsi. Je voulais me souvenir de chaque détail, de chaque émotion. Je voulais un après-midi comme je n’en connaîtrais plus, car il n’existait qu’une première fois.
    J’avais laissé au tendre, au séduisant Beltavolo assez d’avance pour qu’il puisse se donner une contenance, trouver quelque chose à faire. Peut-être ranger la chemise d’une autre, avais-je pensé douloureusement.
    Avant d’entrer vraiment, je me suis arrêtée pour toiser son univers. C’était une pièce simple au sol couvert de pierres cuivrées et blanches. La décoration tenait dans une cheminée, un lit, une table. Et deux chaises hautes alourdies de vêtements. Il s’en saisit et les jeta sous son lit. Je ne vis qu’ensuite une lourde malle en cuir dont sortaient des habits de théâtre et une épée en bois qui me fit penser à la baguette de sorcière qui nourrissait mes rêves d’enfant. Il y avait enfin deux grands tableaux accrochés à un mur. L’un représentait un château. L’autre, le portrait d’une femme très belle, sobrement vêtue. Mon cœur battit brutalement la chamade.
    — C’est ma mère, dit-il en devinant mon émoi. Et ce fut le château où je vécus. Voilà tous les souvenirs que j’aie à vous offrir.
    Je fis un pas, puis deux. J’avançai vers la table encombrée de recueils de théâtre et pris le premier. C’était Roméo et Juliette de Shakespeare. Mon regard s’attarda ensuite sur des feuilles de papier et des essais de lettres qui commençaient par : Ma très chère Hélène... Il se jeta dessus et voulut les froisser. Je retins sa main et l’embrassai.
    — Le premier jour, pour m’attirer, vous parliez de m’offrir un bain.
    Il se précipita vers une porte basse, placée dans le coin où se trouvait son lit, et fièrement l’ouvrit :
    — Voici la baignoire. Voyez qu’elle est grande. J’ai du bois et l’eau, il suffit d’en prendre dans la cour. Désirez-vous...
    Il s’arrêta de peur d’en dire trop.
    — Non merci, répondis-je.
    Je m’amusai de constater qu’il ne put cacher sa déception.
    — Plus tard, ajoutai-je audacieusement : quand vous m’aurez aimée.
    Sa stupeur m’amusa. Mon doux comédien ne trouvait aucune réplique.
    Je lui repris alors la main et, pour lui faire bien comprendre ma volonté, la posai sur mon sein. J’appelai ses caresses et il osa enfin, et répondit le plus doucement du monde. J’avais rêvé de ce moment, et il était venu.
    En l’appelant par son nom, il retrouva l’autorité que je réclamais et prit les devants. Ses doigts câlinèrent mon corps et s’y égarèrent. Il partait à l’aventure et, bercée par sa cour, je m’offrais des émotions neuves qui brûlaient mes dernières craintes et attisaient mon désir. Il s’approcha peu à peu des vallons et des monts que

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