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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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extravagants. La découverte commençait par les décors peints sur de grandes toiles tendues. L’œil s’aventurait sur ces tableaux évoquant palais et châteaux-forts, dragons et forêts envahies d’animaux sauvages, nymphes et satyres entourés de vierges nues. Posés contre un mur, l’Éden et le Paradis se côtoyaient et la Création entière s’y réunissait dans un fatras d’accessoires farfelus parmi lesquels je surpris un très grand cheval sur roulettes, une chaise à porteurs sans fond, la proue d’un navire corsaire, un arbre squelettique, un puits en carton mâché, une malle emplie de fausses pièces d’or, un ours empaillé, des lustres, des fourches, des fusils en bois... François me pressa d’avancer. Plus loin, s’amoncelaient les costumes. Ils se présentaient par taille et par genre. Un prince persan, une duchesse hongroise, un cardinal italien, un général espagnol, un paysan breton, un Sarde sanguinaire y auraient trouvé leur bonheur. François dénicha une fausse porte dans un décor et l’ouvrit. Derrière se présentait la troupe. Polichinelle s’avança le premier :
    — Beltavolo, mio fratello ! Va bene ?
    Arlequin, Pantalon, le capitan Matamore se joignirent à lui et nous entourèrent.
    — Che bella ! siffla Polichinelle en m’embrassant de tout son cœur.
    Eva m’accueillit avec la même chaleur. Le théâtre, la troupe, l’excitation née du spectacle estompaient les traces de son immense chagrin. Et pour qui n’aurait pas su, le masque qu’elle affichait, celui d’une artiste épanouie, ne laissait rien percer de sa douleur.
    On fit circuler le vin. On trinqua à l’art, au public, au spectacle. Mais quand François voulut les féliciter, Turlupin amorça aussitôt une grimace.
    — Le meilleur est resté en coulisse. Grand Marcel, notre menuisier, avait promis de construire une machinerie spectaculaire. Il jurait que la table tournerait réellement et s’élèverait au-dessus de nos têtes. Puis, par un effet mécanique dont il martelait tenir seul le secret, elle aurait traversé le Chapeau-Rouge tandis que le plancher se serait ouvert et que des draps, en forme de fantômes, auraient surgi et emporté dans les cintres Arlequin et Polichinelle. Il s’était même engagé à fabriquer des nuages qui bougeraient dans le ciel... Hélas, nous avons vu trop grand et rien ne marchait à la répétition. Mais alors que je sortais rue Mouffetard, j’ai rencontré ce grand gaillard noir. Que faisait-il ? D’où venait-il ? Il semblait errer et regardait partout comme s’il redoutait le pire. Cet air effrayé, me suis-je dit, est idéal pour le rôle du fantôme. De plus l’homme était beau et de la couleur de l’ébène. Un fantôme ressemblant à la description faite par la pauvre vicomtesse de Lancquet, voilà qui tenait du miracle ! Et cet effet nouveau pouvait nous sauver des tracasseries de la machinerie. D’ailleurs, j’ai tout lieu de croire que la surprise a plu.
    — Tu oublies que c’est moi qui ai pensé à l’habiller en Pierrot, claironna le Capitan Matamore.
    — Non, je ne l’omets pas ! répliqua Turlupin d’un ton sec.
    Pantalon m’entraîna dans cette joute oratoire :
    — Méfiez-vous des acteurs, belle jeune fille, ils sont tous cabotins.
    — Et ne crois pas un mot de ce que te dira Pantalon, ajouta Eva en souriant.
    Tous partirent dans un grand rire.
    — Mais pourquoi Pierrot n’est-il pas avec vous ? demandai-je.
    Turlupin haussa les épaules :
    — Il a filé sans demander son compte. Bah ! Je sais où le retrouver, fit-il en balayant l’air.
    — Il s’est vu en fantôme, ironisa Polichinelle et il a pris peur !
    — Non ! poursuivit Arlequin, il a vu un vrai fantôme dans la salle.
    — Vous vous trompez. Il a aperçu un coquin à qui il devait un louis ! enchaîna Pantalon.
    — Messieurs ! s’exclama Turlupin. Gardez vos bonnes répliques pour la scène.
    — Si vous n’avez plus le fantôme, comment ferez-vous demain ? s’inquiéta François.
    — Grand Marcel, notre menuisier, a promis d’être prêt.
    — S’il ne l’est point, je lui trancherai la gorge, rugit le Capitan Matamore en saisissant une épée en bois et en bombant le torse.
    — Au cas où, glissa Jean-Baptiste Bonnefoix, je concours pour ce rôle. J’ai toujours rêvé de monter sur une scène.
    Turlupin le détailla :
    — Eh ! Un fantôme gourmand et trop gros pour passer dans la cheminée ! Voilà qui serait amusant. Qu’en dites-vous, les amis

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