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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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ne broncha pas. Turlupin s’installa devant la scène et fixa la salle jusqu’à ce que le calme revienne :
    — Qu’en dites-vous ? Le fantôme de Versailles est-il vrai ? Et sinon, qui est son maître ?
    — Ce n’est qu’une tromperie, rétorqua une femme qui, installée au fond, donnait le sein à son nouveau-né.
    — Tu te trompes, la mégère ! rugit son voisin, un dépeceur de carcasses, en brandissant un poing énorme, noir de crasse et de sang séché. C’est un vrai fantôme. Et il restera tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut. Pierrot te l’a dit. Il est mort pour renaître. Il fut maudit dans la vie, il sera grand dans la mort ! Il venge les faibles. Il veut son morceau de Louisiane...
    — Pardi ! Le boucher ! Tu vis trop avec les animaux morts, se moqua un homme jeune à l’accent chantant, en lorgnant sur la jeune femme à l’enfant. C’est une bouffonnerie, et cette jolie donzela 2 a raison.
    — Si tu dis vrai, glissa Turlupin, à qui profite cette farce ?
    Aussitôt des mains se levèrent et chacune voulut donner son avis :
    — Au diable ! hurla l’équarrisseur.
    Bonnefoix se signa.
    — À Colbert, l’ennemi de Louvois ! enchaîna un autre.
    — Il a raison. N’est-ce pas la tête du ministre que le fantôme a réclamée ?
    — Louvois est trop malin, intervint le drapier. Il peut avoir monté cette farce lui-même.
    — Pourquoi donc ? demanda Turlupin.
    — Pour obliger le roi à mettre de l’ordre dans sa cour, renchérit l’homme jeune de Languedoc.
    — L’ordre ? insista Turlupin en fronçant les sourcils.
    — Oui. Pour satisfaire ceux qui veulent mettre fin à la tolérance. Vous ne voyez pas que tout tourne à l’avantage des dévots ? Cette vicomtesse est une femme libertine ! Il lui fallait une leçon et quoi de mieux pour montrer au roi que le désordre règne dans sa cour. La farce est moins drôle qu’on le croit. C’est une façon d’obliger Louis XIV à changer les esprits. On nous a déjà joué cette pièce. Souvenez-vous de l’Affaire des Poisons !
    — Il a raison ! glissa une ombre cachée dans la foule. Cette affaire profite aux jésuites.
    Turlupin chercha qui parlait. La discussion lui échappait. La farce tournait en assemblée séditieuse.
    — Chut ! fit-il en grossissant le geste. J’entends le vol des mouches...
    On rit, mais chacun s’observa. Moi-même, j’entrepris un tour d’horizon. Espionnait-on ? Et qui ? Cet homme en veste sombre ? Celui-ci qui n’avait pas ôté sa veste ? Ce chapeau ? Mon regard revint en arrière. Je cherchais une silhouette massive, aperçue à l’instant. C’était ici ou là ? Personne. L’impression fugace se dissipa. Pourtant, un instant, j’avais cru croiser une silhouette familière. N’était-ce pas une illusion inspirée par la présence du revenant ? La question s’envola. Une autre voix s’élevait :
    — Alors, on ne nous apprendra jamais qui se cache derrière le fantôme ?
    — Demandons à Pierrot, suggéra Turlupin pour faire taire le brouhaha naissant. Lui, il doit savoir !
    Il pivota vers le fond de la scène qui n’était que faiblement éclairée, mais Pierrot avait mystérieusement disparu. Turlupin troqua son étonnement en amusement :
    — Parti ! Non, peut-être qu’il a trépassé. Car il l’a dit : pour renaître, il doit mourir. Voici comment, dans notre pièce, tout débute par la fin ! Bonne nuit, chers ossements...
    — Vous voyez bien que c’était un fantôme, s’égosilla une mégère.
    Et tous éclatèrent de rire, alors que le rideau tombait.
    François sauta sur la scène et m’aida à le rejoindre.
    — Tu voulais voir mes amis ? Suis-moi.
    Jean-Baptiste s’accrocha à nous. Faisant preuve d’une agilité qui m’étonnait toujours, il bondit à son tour sur l’estrade.
    — Ah ! Artiste... Et il scruta la salle d’un œil de conquérant.
    Comment le lui reprocher ? Je défie quiconque de fouler ces planches sans ressentir une vive émotion et comme l’envie soudaine de devenir acteur, musicien ou chanteur.
    — Madame, s’exclamat-il d’une voix théâtrale. Quelle nouvelle me rapportez-vous de Troie ? Et Achille ! Y fait-il toujours régner ma loi ?
    Il était si drôle que nous l’applaudîmes, François et moi. Puis mon regard fut attiré par la salle. Et pour la deuxième fois, je crus apercevoir une corpulence connue.
    — Allons ! fit François. Je vais vous présenter de vrais comédiens.
    Les coulisses étaient envahies de trésors

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