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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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fratricides ?
    — Sire, il se peut qu’on se serve d’un fantôme pour cacher un crime religieux.
    Non ! Non ! pensai-je en moi-même, ne faiblis pas, Hélène. Souviens-toi des paroles de la marquise de Sévigné à propos des progrès du parti dévot à la cour... Et regarde ton roi : il te croit. C’est toi qui as raison. Va plus loin si tu désires qu’il t’entende :
    — Et un crime à la cour, n’est-ce pas le roi que l’on vise ?
    Une tempête secoua les courtisans. Allait-on m’abattre sur le champ ?
    Louis XIV ne bougea pas. Mieux, il me regarda sans moquerie ni cruauté. Était-ce de l’intérêt ? Il fallait y réfléchir. Pour commencer, il s’adressa au marquis de Penhoët :
    — Nous accepterons de penser que vous n’avez pas pris part à l’amusement qui voulait faire croire que nous n’étions pas à Versailles.
    — Sa Majesté souhaite que nous reparlions de La Salle ?
    — Non, monsieur le marquis. Et nous oublierons la thèse de monsieur de La Reynie selon laquelle vous auriez pu organiser ce mensonge peu charitable pour permettre à votre protégée, Hélène de Montbellay, de se trouver sans rivale sur notre chemin.
    — Sire, je vous assure...
    — Cela suffit ! Elle est là, et vous l’avez voulu ainsi.
    — L’imprudence est seule fautive. Pardonnez, sire, ce caractère juvénile et la folie d’un courtisan...
    — Cessez ! répéta le roi.
    Il s’immobilisa sur moi. Son regard avait changé : il me parut à la fois brûlant et violent. Louis XIV se contenait au prix d’un effort évident.
    — Vos conclusions étonnent, mademoiselle. Surtout venant d’une jeune femme tout juste débarquée à Paris et bien audacieuse dans son attitude, ses propos, comme ses déductions. Mais celles-ci nous intéressent. Nous aimerions donc vous entendre encore sur ce complot contre le roi où, selon vous, la religion se mêlerait.
    Un complot ? Moi, je n’avais parlé que de crime. Mais il rompit aussitôt et reprit le chemin de son cabinet.
    — Suivez-le, vite ! m’ordonna le marquis de Penhoët.
    L’étiquette ne résista pas à cette disparition. Les courtisans se resserrèrent pour piailler, brailler, gesticuler.
    — Un complot ? s’enflamma l’un d’eux.
    Un gentilhomme de la cour qui accompagnait le roi fendit le carré des courtisans pour se placer au milieu de la pièce. D’un geste, il réclama de l’air. Le recul s’organisa :
    — Silence ! J’étais avec le roi quand Colbert a donné cette nouvelle. Je sais pourquoi il a parlé de complot.
    — De quoi s’agit-il ? hurla le conseiller de Paris expert en commerce des peaux.
    — Il y a eu un autre crime ! lança le gentilhomme. Ce matin. Et signé une nouvelle fois par ce fantôme...
    — Qui a-t-on tué ? parvint à dire le marquis de Penhoët en me poussant vers la pièce où le roi s’était glissé.
    Le gentilhomme de la cour répondit :
    — Nicolas de Burelle. Que Dieu ait pitié de son âme.
    — Je le connais, souffla le marquis de Penhoët à mon oreille alors que la porte se fermait dans mon dos. Ami des oratoriens et ennemi des jésuites. Cela pourra peut-être vous aider... Et bonne chance, ajouta-t-il.

    Trois personnes seulement se tenaient dans la pièce. Louis XIV, la marquise de Montespan et moi. Et alors que j’écris, l’émotion m’étreint à ce souvenir. Un instant, je me suis arrêtée, fouillant dans ma mémoire pour retrouver les détails de cette rencontre. Mais il me faut y réfléchir encore. Les sons ne subsistent qu’étouffés, comme engloutis par l’écrin dans lequel je pénétrais. Je crois voir, dressés sur une table, deux bougeoirs allumés et un plateau d’argent chargé de fruits. Au-dessus d’une cheminée, un tableau où des muses nues se baignaient dans l’eau. J’aperçois aussi un lit de repos enveloppé de fourrures cendrées et une chemise blanche, étendue là, à même un prie-dieu. Sur le mur, un grand Christ taillé dans l’ivoire et, près de la couche royale, une bibliothèque où s’exposaient des bronzes et des antiques, des médailles et des monnaies. Posé sur les couvertures, il y avait un livre ouvert et, en basculant la tête, je lui volai son titre. La Vie des hommes illustres de Plutarque. Je me souviens d’un lourd coffre en bois duquel jaillissaient des fioles médicales et toutes sortes d’élixirs d’apothicaire. Parfois, comme tout mortel, le roi devait être souffrant. De même, il lisait et s’habillait de chemises, et je n’y

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