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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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tombée : il se désintéressait de moi. La marquise de Montespan, qui observait la scène, marqua sa déception comme je le compris à sa manière de reculer un peu sans me lâcher du regard. Était-ce pour venir au secours du sexe faible ? Je le sus bien plus tard, mais cette petite marque d’attention, du moins ce que je croyais tel, me décida. Piétinant l’étiquette, je fis un pas en avant.
    — Sire ! Vous m’interrogiez voilà peu sur ce fantôme et je peux vous répondre.
    L’auguste épaule bougea :
    — Allez-vous nous conter le récit de la pièce à laquelle vous assistâtes, hier ?
    Il savait décidément tout. Il me broyait. Il me noyait.
    — Je ne prendrai pas du temps à Sa Majesté pour parler de ce qu’elle sait...
    — Auriez-vous des choses à nous apprendre ?
    Son regard se durcit à nouveau. L’affaire du fantôme l’inquiétait plus qu’il ne voulait le montrer. Pour la première fois, il détourna les yeux et sonda sa cour. Se pouvait-il que ce roi y cherche un secours ? Indifférents à ce signe que j’avais cru deviner, les courtisans se contentèrent de se scandaliser. Que pouvait ignorer le Roi-Soleil ?
    — Il me semble, Votre Majesté, que les lieux ne se prêtent pas à toutes sortes de confidences.
    Autant sous-entendre que cette digne assemblée comptait quelques traîtres et espions ! À ces mots, les courtisans ne tinrent plus en place. Ils voulaient réagir et j’en sentais certains prêts à se jeter sur moi. Tant de temps pris au roi pour des billevesées, des paroles de femme prononcées avec arrogance ! Mais qui était cette pécore surgissant de nulle part et osant réclamer au roi une audience privée sans respect pour l’étiquette et le rang de ceux qui s’affichaient ? À mes côtés, le marquis souffrait, nous sentant perdus.
    — Se méfier de la cour ! Du cœur de la noblesse ! s’offusqua un courtisan.
    — Et pourquoi pas du roi ? osa un autre.
    — Ce gentilhomme a raison, sire, lançai-je désespérément. Cette affaire affecte la cour bien plus qu’on ne le pense ici.
    — Elle croit à ce fantôme ! ricana une voix anonyme.
    Moi, je ne quittai pas Louis XIV des yeux. Et c’est à lui que je répondis :
    — Non, sire, Hélène de Montbellay n’encourage pas ces sornettes, mais elle devine le mal qu’elles peuvent faire à Versailles. Et donc à vous.
    En employant le ton direct, je sentis que je m’insinuais dans ses craintes. Devais-je me féliciter de ce qu’on nomme l’esprit des femmes, dont l’effet serait de deviner les sentiments secrets des hommes ? Oui, l’affaire du fantôme le touchait. Pis, sans doute, il la craignait. Mais je m’étais adressée au roi alors qu’il ne désirait plus m’entendre. J’avais commis un écart de trop, franchi une ligne interdite que la jeunesse et l’ignorance ne pouvaient expliquer ni pardonner. Le roi, et surtout les courtisans, attendaient une ultime erreur pour fixer la gravité du jugement. Madame de Montespan ferma les yeux, apparemment désolée. Que pouvais-je faire pour, d’abord, me sauver ? Supplier le roi de pardonner mon insolence ! Me jeter à ses pieds en promettant de fuir son Royaume ! Non, je n’y songeai même pas une seconde. Je m’étais avancée, j’avais croisé le roi, enfin je lui parlais ; il m’avait questionnée sur le fantôme et c’était peut-être le moyen de lui prouver que mon audace le servait et qu’il importait de m’écouter. La cruauté de ceux qui m’entouraient et l’air altier du souverain, je devais m’en défaire, les ignorer, et oublier cette étiquette qui, au fil des ans, avait estourbi l’esprit critique de courtisans domestiqués, pour ne chercher qu’à comprendre la contraction hautaine qui raidissait la royale allure de Sa Majesté. Oui, l’affaire du fantôme l’inquiétait. Donc, elle était grave. Et voilà qui devait me rassurer.
    J’avais aussi une idée en tête, celle que nous esquissions à grands traits avec le marquis de Penhoët dans la grotte de Thétis : une hypothèse où se mêlaient l’inquiétante comédie de la troupe de Turlupin, l’étrangeté de son comédien, les remarques de bon sens du peuple de Paris, et ce que Penhoët m’avait appris sur le mort. À qui profitait ce crime ? Que Villorgieux soit janséniste constituait-il un indice ? Depuis l’Affaire des Poisons, comme l’avait affirmé la marquise de Sévigné, n’y avait-il rien de plus inquiétant pour le roi que la religion et ses querelles

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