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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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atroces ? Le problème se complique, car pendant que l’on court après un revenant qui n’existe pas, un homme, un groupe, un ennemi brouille les pistes et exécute ses proies. Qui commet ces forfaits au cœur de la maison du roi et pourquoi ? Pour le savoir, intéressons-nous aux morts. Le premier est janséniste. Le second, un proche de l’Institut de l’Oratoire, une puissante congrégation religieuse. Cherchez la cause qui unit les deux... Pour moi, elle est religieuse.
    — Dès lors ? fit la marquise qui, depuis peu, s’était figée.
    — L’affaire devient grave. Vise-t-elle à nuire au roi ?
    Je marquai un silence. Depuis peu, celui-ci s’était assis. Il m’écoutait.
    — Sa Majesté m’autorise-t-elle à utiliser ma troisième phrase pour lui dire ce que j’ai sur le cœur ?
    Cette fois, il sourit. Je pris l’intention pour un assentiment.
    — Si mon raisonnement est juste, il s’agit en effet d’un complot. Ce n’est pas moi qui ai prononcé ce mot, mais, ajoutai-je en faisant preuve de toupet, nous y pensons pareillement.
    La marquise pâlit et dut s’asseoir :
    — Ainsi, vous l’avez deviné aussi...
    Un silence s’abattit sur la pièce. Le roi réfléchissait. Après quelques lourds instants, soudain il se leva et passa de l’autre côté de la table. Désormais, nous nous faisions face.
    — L’exposé est convaincant, assura-t-il. Faut-il féliciter son auteur ou celui qui a formé son esprit ?
    Mon cœur se mit à battre :
    — Mon père ! C’est mon père qui m’a enseigné ce qu’il appelle la raison.
    — Ensuite, dit-il sans répondre à mon espoir, je vous dirai que monsieur de La Reynie, que vous devez détester, partage votre avis. Il croit l’affaire très grave et la prend particulièrement au sérieux.
    Il effaçait déjà mon père et, affichant sa morgue, citait le sinistre La Reynie qui nous avait fait tant de mal. Ces deux mépris combinés me révoltèrent et me poussèrent à l’imprudence. Je ne pus retenir mes mots et lançai :
    — S’il se charge de cette affaire, espérons qu’elle soit conduite avec plus de diligence que la précédente...
    En proférant cela, je jure que je ne pensais qu’à mon père, et qu’en critiquant La Reynie, je cherchais uniquement à convaincre son maître qu’il avait été mal informé. Que si le comte de Saint Albert était un libertin et un ami de la tolérance, il restait néanmoins un fidèle allié du roi. Mais ces paroles accusatrices, soufflées par l’impertinence, eurent un effet aux conséquences considérables, car le roi les avait saisies autrement. Cette enquête bâclée dont j’avais parlé, ce n’était pas celle de mon père – un personnage insignifiant –, mais forcément la leur. Qui s’appelait l’Affaire des Poisons.
    Je ne compris pas mon erreur, et ma chance, sur le coup. Pour réaliser ma méprise, il me fallut un peu plus tard détailler la scène dans laquelle j’avais vu la marquise se tasser dans son fauteuil, moi devenue invisible, et le roi regarder sa maîtresse et se désoler pour elle. Une affaire dramatique où l’on retrouvait La Reynie et ces deux amants ? La réponse surgit la seconde d’après quand, profitant de ces instants où, pour eux, je n’existais pas, prisonniers qu’ils étaient de leurs souvenirs, aveugles et sourds et perdus dans leur monde, me revinrent les paroles de madame de Sévigné. Cette affaire, qui avait changé le roi et perdu la marquise de Montespan, ce destin, qui les rongeait et ne les lâchait plus, cette enquête qui faisait encore saigner leur cœur, portait le nom terrible et juste de poison.
    Sous mes yeux décillés, je vis alors que la favorite avait brutalement vieilli. Elle faisait son âge et se désespérait. Le fantôme portait désormais les habits d’un spectre plus ancien, mais toujours obsédant, qui persécutait le roi et son amante. Sans ce drame, tiré d’un monde égoïste, régenté pour eux seuls, le Soleil se serait-il adouci pour tenter de soulager la peine de sa favorite ?
    — Cette affaire, nous la regrettons.
    Et ce n’était plus Louis le Quatorzième qui murmurait ces mots.
    — Des témoins suspects, des conclusions hâtives, avançai-je prudemment, cherchant à confirmer ce que je croyais avoir deviné.
    La marquise de Montespan acquiesça en silence. Oui, c’était l’Affaire des Poisons. Mais le roi, brusquement, redevint lui-même : il ne voulait pas en entendre parler :
    — Ce n’est plus

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