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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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destin réserve de surprises. Le fantôme, le criminel et les morts ont à voir avec nos colonies où j’ai retrouvé l’odeur du pouvoir, de la haine, de l’argent. Ces mots formeraient-ils le mobile de ces meurtres ? C’est ici que je réclame votre attention car, ajouta-t-il en claquant la langue, il est l’heure de passer à table.
    L’expression n’était pas usurpée. La Reynie ouvrit d’ailleurs un tiroir et se saisit d’une clochette. Au premier tintement surgit un valet obséquieux.
    — Nous serons trois.
    Le lieutenant de police endossa les habits de l’amphitryon 2 :
    — Volailles, pain, fromages ? C’est l’ordinaire de l’homme de l’ombre. Êtes-vous prêts à le partager ?
    — Ajoutez-y du vin et des fruits, s’il vous plaît, réclama le marquis.
    Le valet sortit comme il était entré. Sans un mot.
    Ainsi, par un curieux hasard, je me trouvais à dîner chez celui qui, peu avant, avait été le pire ennemi des Montbellay. Cette singulière histoire méritait d’être contée à mon père et je savourais en silence, et à l’avance, les lignes que je composerais à son intention pour décrire la scène. Mais si j’imaginais son étonnement (ou sa colère ?), j’avais peine à mesurer la stupeur du brave Jean-Baptiste Bonnefoix quand il apprendrait ce coup du destin. Le roi, et maintenant La Reynie ! La journée était pleine et le résultat, du moins dans l’immédiat, bien meilleur que dans mes rêves les plus insensés. Pour autant, je n’oubliais pas les mises en garde du marquis de Penhoët et les risques engendrés par cette situation... paradoxale. Méfiance, me répétai-je. La Reynie cherchait-il à nous endormir ? Pendant qu’il nous expliquait son enquête sur les origines du poison qui avait occis les deux courtisans, je n’avais cessé de l’observer. Son regard était resté solide, sa voix ne trembla jamais et je n’avais senti aucun vice dans ses paroles. Il se présentait comme un homme franc et direct, un serviteur du roi sans état d’âme et je le pensais. Nous avions payé le prix de son intégrité. Aujourd’hui, alors que nous avions fait cause commune, il se pouvait aussi que nous en touchions les bénéfices. Ainsi, cet homme aussi raide qu’honnête, aussi froid que fidèle représentait peut-être le meilleur espoir de sauver mon père. C’est pourquoi je tendis l’oreille, quand, en dépeçant une poule rôtie qu’il partagea comme entre de bons amis, il nous fit part de ses conclusions à propos du poison et de son inventeur.
    L’apothicaire avait livré ce nom, Marinvaud. Et juste avant de mourir, il avait ajouté la Louisiane. Les deux avaient-ils un rapport ? On secoua ce gâte-sauce satanique qui eut encore le temps de maudire ses tortionnaires et de les inviter à le rejoindre en Enfer. Puis il mit lui-même ses menaces à excécution.
    — Hélas, c’est un usage fréquent chez les sorciers, précisa le policier en mordant dans une aile. Ils crachent, injurient et menacent, mais nous n’y prêtons plus attention. Si bien que l’enquêteur a relâché sa vigilance, et que ce maudit chimiste en a profité pour avaler une poudre dissimulée dans une bague creuse qu’il portait à l’index. Ah ! je leur ai dit cent fois de les interroger nus.
    Il y avait de quoi enrager, en effet. Une enquête menée promptement. Une piste idéale. Et il ne restait qu’un nom et un lieu à cause d’une inadvertance, d’une inattention maladroite. À deux doigts de résoudre l’énigme, la solution avait préféré tirer sa révérence. Et ne subsistait désormais qu’un patronyme – Marinvaud –, que La Reynie ne connaissait pas plus que le marquis ou moi.
    — J’ai consulté mes espions de Paris. Pas une fiche sur lui. Et même résultat à Versailles. Ce nom est-il seulement vrai ? Un sobriquet ? Un emprunt ? De plus, il n’est pas certain que ledit Marinvaud soit responsable de la mort de Villorgieux et de Rubelle. Selon un témoin décédé, et peu fiable, il aurait acheté un poison et il se pourrait qu’il s’agisse de celui qui les a tués. Me voyez-vous donc surgir chez Louis XIV muni de ces pauvres détails ? Mais l’apothicaire avait aussi parlé de la Louisiane. Il fallait donc à mes yeux chercher de ce côté-ci.
    Les prunelles du policier se mirent à briller.
    — Les services d’État fonctionnent plus vite depuis qu’ils sont regroupés à Versailles, fit-il en se léchant les doigts. Avant de vous voir, j’ai pu

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