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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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où ils cachent leur butin et le couteau qui a tué. Je vois un enfant chétif. Je sais déjà qu’on l’a battu, qu’il vit de rapines, sert d’objet à son père. Je me glisse dans la peau de ces monstres. Je deviens comme eux. Je finis par penser comme les tueurs des bas-fonds...
    Le regard de La Reynie se perdit dans ses souvenirs. Une brume épaisse passa devant ses yeux. Puis il se souvint de qui lui faisait face. Il sourit tristement. Sa confession était-elle une preuve de sa loyauté ? Il toussa, retrouvant un peu de sa constance. Et la parenthèse se ferma.
    — Mais une affaire à Versailles demande de la finesse, reprit-il. Ce n’est pas une vilenie ordinaire. Il faut y montrer autant de ruse que l’adversaire... Ah ! quel idiot je fus de ne pas avoir songé à la religion. Et vous, mademoiselle, avec l’innocence du débutant, vous mettez le doigt sur ce qui était devant moi. Un janséniste et un oratorien ! Deux ennemis des jésuites...
    Il tendit du sucre à Penhoët qui refusa.
    — Êtes-vous prêts à entendre ce qui pourrait vous nuire, monsieur le marquis ?
    — Allons ! Vous m’effrayez !
    — Vous vivez bien à Versailles ?
    — Je bénis chaque jour l’hospitalité du roi, répondit-il prudemment.
    — Ce que je vais dire risque pourtant d’y mettre fin. Croyez-moi, le danger est grand.
    Le marquis fit sourire ses yeux gris-bleu.
    — Saviez-vous que mes ancêtres venaient de Pologne ?
    — Votre nom est Louis de Mieszko. Un de vos lointains aïeuls fut à l’origine de la Sainte et Catholique Pologne. Je n’ignore rien de cela, monsieur le marquis, comme vous vous en doutez.
    — Monsieur, en ne parlant pas de notre esprit, vous oubliez l’essentiel. Nous vivons avec la fatalité et nous l’acceptons. Aussi, j’accompagnerai Hélène de Montbellay comme le destin l’a voulu.
    — C’est votre choix. Maintenant, parlons de vos droits. Je les résume en un mot : silence. Nous entrons dans un secret d’État. Si vous ne voulez pas mourir, je pense à vous deux, n’en parlez jamais. Et de tout ce que vous entendrez par la suite sur ce sujet, ne rapportez qu’à moi ou au roi.
    Il tendit à nouveau le sucre :
    — Il vient de Louisiane. Vous n’en voulez vraiment pas ? Vous devriez y goûter car c’est là-bas qu’il nous faut retourner.
    La Louisiane ! Plus Nicolas de La Reynie l’évoquait et plus il me donnait envie de découvrir cette province lointaine. Était-il possible de ne pas aimer ce monde sauvage et prometteur ? Pourtant, les premières années de conquête n’avaient pas été simples 4 . La fièvre avait décimé les pionniers par centaines, l’eau se mêlait à la terre des marais et empoisonnait les bêtes. Les autres se noyaient dans la vase. Des tempêtes épouvantables réduisaient à néant la construction des forts, et l’or ou les épices ne se montraient pas. Existait-il même un passage vers la Chine, espoir mythique qui avait décidé de cette aventure ? Les vocations étaient si peu nombreuses qu’il fallut recourir aux filles de joie pour grossir le peuplement. Qui aurait alors bien pu vouloir de ce monde ? Pourtant, une poignée d’obstinés s’accrocha et en comprit le sens. En descendant les fleuves, ils découvrirent des terres fécondes au climat plus favorable. En se battant encore, ils parvinrent à survivre aux saisons, aux maladies, à pactiser avec les Indiens. Et le fruit se donna enfin. Les promesses de la Nouvelle-France existaient et un monde vint à naître.
    Le projet parut d’autant plus immense que l’entreprise ne se limitait pas à domestiquer la terre. Il fallait s’occuper des esprits, ceux des pionniers, de leurs femmes, des enfants, des filles de joie, mais encore de ceux des esclaves, des Indiens. La colonisation s’entendait aussi comme celle des âmes. Et cette mission revêtait pour certains une importance plus grande que l’avenir d’une compagnie commerciale. L’affaire appartenait peut-être au spirituel, affirmait La Reynie, mais elle opposait surtout des intérêts ô combien terrestres.
    — L’évangélisation est un domaine sensible, narrait-il. C’est une question de pouvoir et, je l’ai dit, cela suffit parfois pour constituer un mobile. Le problème qui se pose est le suivant : les jésuites dominent. Ils ont obtenu que les protestants soient interdits dans les colonies, mais ils ont d’autres concurrents : les capucins qui se sont implantés en Louisiane.
    Dans ce cabinet minuscule, au

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