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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Penhoët.
    — Et moi, je vous conseille de ne pas vous enthousiasmer, grimaça, la mine brutalement assombrie, La Reynie.
    — Ah ! monsieur, dites-moi vite pourquoi ?
    — Trop rond et trop facile. Et le nez, monsieur le marquis ! Le nez du policier me laissait penser que cela avançait, comment dire... trop clairement.
    — Une autre piste ? soufflai-je.
    — Très exactement, mademoiselle. Car savez-vous ce que nous avons oublié ?
    — Ah ! monsieur ! répéta le marquis, ne nous faites pas languir. C’est un supplice. Parlez, je vous en conjure.
    — Les deux morts n’ont pas que le poison et la Louisiane en commun.
    La Reynie posa les mains sur son menton et me dévisagea :
    — N’avez-vous pas assuré au roi que vous croyiez à un complot religieux ?
    — Je l’ai dit, en effet, mais...
    — Et pourquoi, s’il vous plaît ? ronronna-t-il.
    — L’un est janséniste, l’autre est oratorien.
    — Parfait, murmura-t-il. Et quoi encore ?
    — Il me semble, hésitai-je, que c’est un point commun. Et...
    — Et vos déductions s’arrêtent là, mademoiselle, ricana le lieutenant de police en écartant soudainement les bras.
    — Alors, disons que j’ai un nez comme le vôtre ! répliquai-je en l’affrontant, vexée d’être trop vite mise à jour.
    — Je ne vous le souhaite pas, et reconnaissez plutôt que vous n’aviez rien à dire au roi. Oh ! Je le connais. Quand il ne veut pas écouter, il lit une lettre, fait venir Bontemps et ses chiens ou bavarde plaisamment avec la favorite. Vous parlez. Il répond qu’il va voir... Et vous pensez déjà à ce regard distrait qu’il vous adressera pour vous congédier. Hein ! Alors, que faire pour retenir son attention ? Les idées virevoltaient, butaient dans votre tête, jusqu’à vous décider d’entreprendre une ultime provocation que je sens comme la preuve de votre détermination et de votre inconscience. Et vous avez lancé le mot de religion sans preuve et pour beaucoup au hasard, n’est-ce pas ? Laissez-moi terminer. Un détail par-ci, un bruit sur la montée du parti dévot à Versailles, et vous vous êtes jetée à l’eau... Ne niez pas, mon métier est de supposer, déduire et conclure. Alors, mademoiselle, je vous encourage à montrer, à l’avenir, plus de constance. Vous avez joué gros et plus que le marquis de Penhoët ne le fera jamais. Enfin quoi ! La Salle ! Et maintenant, cette idée d’un crime religieux... Êtes-vous bien raisonnable ?
    Il haussa les épaules et, comme à son habitude, le fit séparément. Puis il souffla encore et, se décidant à me regarder de nouveau, il sourit. Mais ses yeux globuleux ne montraient que de la sympathie.
    — Et je vous félicite pour votre audace, crissa-t-il de sa voix aigrelette.
    — Pouvez-vous expliquer ce revirement ?
    — C’est bien simple. Sans vous, je n’y aurais pas pensé.

    Il prit la clochette et la fit tinter une seule fois. Aussitôt, le valet montra sa tête.
    — Café ou chocolat ? demanda le policier.
    Le marquis de Penhoët opta pour le café. Moi je ne pris rien. La Reynie non plus.
    — Ce métier est épuisant et pourtant je ne dors pas, s’excusa-t-il. Le café, je n’en prends que pour les enquêtes nocturnes, quand nous descendons dans Paris.
    Ses yeux s’échappèrent dans le vide.
    — Je vis trop avec les horreurs du monde. Si bien que mon esprit ne décolle plus assez. Je vais au fait. Je me contente de sentences et d’exécutions aussi brutales, aussi sommaires que les âmes sanguinaires à qui je les applique. Un vol ? La sanction est aussi banale que le forfait. J’exige une main. Un crime ? Sans hésiter, je choisis le feu. J’ai vu des bras et des jambes fondre sous la chaleur du plomb et de la poix. J’ai arraché les pires aveux par les pires moyens, entendu les hurlements du supplicié alors que le bourreau cravache les chevaux jusqu’à démanteler fémurs et rotules. J’ai vu le prêtre apposer le signe de la Croix sur des restes de corps qui, ensanglanté, refusait de mourir et que l’on jetait au bûcher pour que cesse le mouvement des lèvres. J’ai arrêté trop d’esprits vils, menteurs, diaboliques, ayant perdu le sens du bien et du mal, pour ne pas me persuader que l’humanité est infectée par le Mal. Je crois au crime simple, commis pour les mêmes mobiles, anciens et primitifs, depuis la nuit des temps. Je suis indifférent au pardon et aux suppliques de ceux qui jurent qu’ils sont innocents. J’entre chez eux. Je sais

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