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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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les palissades, les portiques, les guirlandes, les tentes qui furent dressés et décorés pour ravir l’œil des invités. J’imagine Molière se précipitant vers Saint-Aignan, le grand ordonnateur de ces réjouissances, et gémissant que rien n’allait, que son texte n’était pas écrit 4 , et quand bien même , que la troupe n’était pas prête et devait répéter. J’entends le génial ingénieur et machiniste Vigarani répondre à Molière que les lamentations devaient cesser, qu’il ne voulait entendre que des rires et de la galanterie, qu’il n’attendait que des félicitations à propos de ces jeux, de ces tournois, de ces ballets, de ces décors peints aux armes du roi, de ces feux d’artifice conçus pour le génie d’un monarque jeune et prometteur et pour un règne sans pareil dont on allait fêter la véritable naissance et les immenses promesses.
    — Tu en parles bien, Hélène. Mais puisque tu en sais tout, as-tu déchiffré le véritable dessein du roi ? me demandait mon père en souriant.
    Je relisais Ballard. Je sondais les souvenirs de mon père. Je cherchais.
    — Fais-le encore, Hélène. Et tu comprendras combien l’enfer peut être pavé de bonnes intentions.

    Les Plaisirs de l’île enchantée obtinrent un succès immense. Le 5 mai, la cour arriva à Versailles. Le 7, c’était un mercredi, les trompettes et les timbaliers ouvrirent les festivités. François de Beauvillier, premier gentilhomme de la Chambre, ami du roi et tout juste fait duc de Saint-Aignan, se présenta, déguisé en guerrier sur un sobre cheval blanc. Le roi ne vint qu’ensuite. C’était calculé. On détailla d’autant plus la beauté de sa monture ourlée d’or, de pierres précieuses et d’argent. À sa suite, paradèrent les ducs de Guise, de Foix, de Coislin, de Noailles, puis les comtes d’Armagnac, de Lude, et enfin les marquis de Villequier, de Soyecourt, d’Humières et de la Vallière, le frère de la maîtresse du roi.
    Dans ce défilé, La Rochefoucauld répondait seul au titre de prince. Il n’était pas encore duc, mais avait autant d’allure que le fils du Condé 5 qui fermait la marche. Et c’est ainsi que commença la fête. Ces seigneurs pénétrèrent dans l’île enchantée, invitant les autres à se joindre à eux. Ils entrèrent dans un enclos invisible dont l’île était le centre.
    Les festivités s’inspiraient d’Orlando Furioso dit l’Arioste 6 . Le roi et sa suite figuraient chacun un personnage créé par le conteur. Louis XIV était Roger. Il était encadré par Guidon le Sauvage, Oger le Danois, Aquilant le Noir. L’histoire fabuleuse reprenait les exploits et les aventures de preux chevaliers, enfermés dans le palais d’Alcine, situé au cœur d’une île imprenable. Mais leur captivité n’avait pas que des mauvais côtés. Pour les retenir, l’habile magicienne, et maîtresse des lieux, distillait ses délices. Il y était question d’amour et de beauté. Si bien que cette prison ressemblait plus à une île enchantée qu’à la Bastille.
    Pour rompre l’enchantement, et reconquérir sa liberté, il fallait s’emparer d’une bague. C’était la mission des chevaliers. Mais avant, pourquoi ne pas profiter des plaisirs offerts ? Le thème de l’île enchantée venait de naître. Toutefois, était-ce le sujet d’une fête provisoire ou déjà la peinture perpétuelle de Versailles ? Après, les pavillons de bois et ces ornementations seraient-ils démontés ?
    Le spectacle se déroula entièrement dans les jardins. Il se prétendait éphémère. Mais les courtisans présents, premiers d’une longue liste, allaient-ils vraiment sortir du mirage ? Combien saisiraient la bague qui pouvait les libérer des sortilèges et des charmes imaginés par le Roi-Soleil ? Imperceptiblement, le philtre était en action, la machinerie parfaite, la scène occupée par un seul et grand acteur. Il suffisait, cette nuit, d’accepter, à jamais, de n’être que spectateur.
    — De succomber, murmura mon père.
    Pour montrer qu’il était bon d’habiter l’île enchantée, on fit appel à d’habiles façonniers. Saint-Aignan, Molière, Périgny, Lully, Vigarani, Benserade prêtèrent leur génie. Ils furent aidés par une armée de comédiens, de danseurs, de musiciens et d’artisans venus de Paris. La fête exigeait d’énormes moyens. On en prit plus que nécessaire. En voici la preuve.

    Le défilé des gentilshommes achevé, un char immense s’avança.

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