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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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en fait à l’abri, comme protégé des ombres de la Fronde qui avaient obscurci son enfance.
    La première idée, pour assainir ces terres gorgées d’eau, avait été de tracer les grandes lignes d’un jardin merveilleux, capable de rivaliser avec les splendeurs de Vaux-le-Vicomte 1 et l’art délicatement abouti de l’Italie. Le Nôtre imaginait sans cesse de nouvelles terrasses, des bosquets, des parterres donnant la réplique aux sculptures et aux jeux d’eau. Peu à peu, il fixait le cadre d’un spectacle permanent et inouï dont le centre deviendrait, en récompense de tant d’efforts, le plus grand et le plus beau siège du monde. C’était une œuvre monumentale que le Roi-Soleil pouvait seul concevoir.
    Au fil des années, les travaux progressaient ; et dedans et dehors. L’attention du roi ne se portait pas seulement sur l’éclat de l’or ou sur la beauté du marbre dont les architectes Le Vau et Hardouin-Mansart gratifièrent sans compter ce château. Mesurant combien la création d’un parc est plus longue que la construction de ses murs, le roi surveillait la plantation d’essences majestueuses et leurs agencements. Et selon mon père, il avait ses raisons :
    — Chaque fontaine, chaque carré de fleurs, chaque rangée d’arbres, soutenait-il, se veut une représentation indicible et unique de la façon absolue dont il conçoit son pouvoir.
    De même, chaque pièce du château décorée par Le Brun était le maillon d’un tout dont l’harmonie générale devait être indivisible, car au service du roi.
    — Tout est sous son contrôle et cet entêtement à tout vouloir selon son opinion reflète un esprit dont l’aboutissement final est un système politique au pouvoir sans limite, et dont Versailles devient le symbole.
    Pierre de Montbellay voyait-il juste ?
    Les événements qui s’y produisirent en 1682, et dont je rapporterai l’exacte vérité, éclairent sous un angle neuf l’âme d’un très grand seigneur dont le seul défaut fut d’exposer sa puissance pour mieux dissimuler ses faiblesses et ses peurs.
    Louis XIV aurait-il manqué de courage ? Pour démontrer cette thèse, il faut entrer dans ce palais où nichent tant de secrets. Mais à pas comptés. Versailles ne se fit pas en un jour... Et si, pendant ce temps, le théâtre se fabriquait peu à peu, une question demeurait : quand ce cadre somptueux serait-il choisi comme scène triomphale par son principal acteur ?
    Au fil des années, le sujet nourrissait les conversations autant à Saint Albert que dans le Royaume. En attendant, les courtisans s’y pressaient au premier signal. À défaut d’y conspirer – pas encore –, on pouvait danser, boire, chanter. Séduire aussi. Les fêtes, pardi ! celles auxquelles mon père fut convié et dont il me parlait ; celles que de grands artistes orchestraient dans des jardins féeriques, prémices d’un rêve édifié à la gloire du plus grand monarque de son temps.

    Versailles avait été une vaste maison de campagne, située à quatre lieues de Paris, mais, d’un seul regard, le roi avait décidé d’en faire un palais enchanté. On s’y pressait, on tombait sous le charme, on s’y emprisonnait avec bonheur. L’opinion est abrupte. Elle correspond, je le sais à présent, à l’exact dessein de cette invention. À quand remonte la décision d’user de Versailles comme d’un instrument de séduction, mais aussi d’enfermement ? Les fêtes éblouissantes de l’année 1664 me semblent un bon point de départ. C’est pourquoi il faut s’y arrêter. L’intitulé en fixe l’ambition : les Plaisirs de l’île enchantée . Et pendant sept jours et sept nuits, ce fut un envoûtement. Le roi séduisit sans pareil sept cents invités. Mon père tomba lui-même sous le charme. Or il n’était pas homme à plier le buste aisément.

    De toutes les fêtes qui se déroulèrent à Versailles, celles des Plaisirs de l’île enchantée constituent son plus beau souvenir. Il m’en a décrit l’esprit et la forme dans ses moindres détails. Et Ballard, qui en écrivit l’histoire, devint un de mes livres de chevet.
    Je peux raconter les festins, les tournois, les concerts dont le roi abreuva les courtisans. Je peux chanter la musique de Lully, réciter de mémoire les madrigaux 2 et les devises 3 créés pour l’occasion. Je peux dresser l’inventaire des feux et des milliers de bougies qui, luttant contre le vent, brillèrent au cours de ces nuits. Je peux dessiner

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