Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
Elle est pour beaucoup dans ma décision et je n’oublie pas que nous sommes alliés, glissa-t-il. Aussi, remerciez-la plutôt que moi.
    — J’ajouterai ce compliment, dis-je en le fixant dans les yeux. L’intervention de vos hommes nous a sauvés.
    — J’ai dit que vous pouviez me faire confiance. On perd son temps à se répéter, répondit-il seulement.

    Les cinq hommes de La Reynie s’étaient regroupés autour de leur chef. Ceux qui étaient partis à la poursuite du dernier coupe-jarret revinrent bredouilles. Le rapport fut concis : disparu dans une ruelle sombre. Une piste de moins, pensai-je. Le lieutenant ne blâma personne. Il félicita même son escouade pour le travail effectué. Les mines se détendirent. Ces mouches auraient donné leur vie pour satisfaire leur maître. Sans attendre, ils entreprirent de débarrasser la rue des corps des malandrins. La rue Mouffetard jasait. À nouveau, les badauds s’approchaient, se serraient, se poussaient du coude pour se rendre au premier rang. On marchait dans le sang et un chien errant glissa sa truffe. Un coup de pied l’envoya au diable. Des rires nerveux fusèrent. L’excitation montait. Le sang, la mort, les mouches : cette nuit, le spectacle se produisait dehors. Les policiers donnèrent encore de la voix. Une mégère tenta de prendre le dessus. Elle réclamait des explications, se plaignait de ces crimes commis sous ses fenêtres alors que ses enfants dormaient. Et que racontait-on ? Un esclave se cachait au-dessus de chez elle ? Peu à peu, elle levait les rangs d’une armée de grincheux, d’anonymes qui houspillaient les gens d’armes, profitant des ténèbres et du nombre pour gouailler sans risque. Un policier saisit l’acariâtre par la manche et affirma d’une voix forte qu’il trouvait étrange qu’elle n’ait rien entendu, rien vu à propos de l’esclave. Un noir ! Et pas un de ses cils n’avait tressailli ? Elle bredouilla une réponse où il était question de son travail qui l’emmenait loin et qu’elle ne rentrait que fort tard.
    — Et tu laisses tes enfants à l’abandon ? C’est toi l’imprudente !
    L’espoir changea de camp. La foule se rangea du côté du policier. Ce dernier profita de son avantage pour demander encore à la femme si ses enfants n’étaient pas des mendiants de la cour des Miracles. Et, parlant pour que tous l’entendent, il ajouta qu’il serait peut-être utile de mener l’enquête. La Reynie observait de loin l’œuvre de son homme de main et y prenait du plaisir. Il n’aurait pas fait mieux que celui qui le secondait. La pauvre reflua, déclenchant un mouvement général. La peur, comme le courage, ne se concevaient qu’en meute. Déjà, une charrette embarquait les morts. On effaçait les traces. L’organisation du lieutenant de police était remarquable.
    Comme nous n’avions aucune raison d’assister à ce spectacle macabre, nous décidâmes de battre en retraite. Sans hésiter, La Reynie poussa la porte du cabaret le plus proche et se planta à l’entrée. Les présents se tassèrent sur leur banc et baissèrent les yeux. Le prétorien de Paris inspecta les lieux d’un œil torve. Sans demander leur reste, les chalands cherchèrent le salut dans la fuite. La pièce fut bientôt vide. Notre troupe entra. L’aubergiste, obséquieux, s’approcha et en saluant bien bas le lieutenant de police, l’assura que cette maison était sienne. Et lui demanda ce qu’il désirait boire.
    — Rien pour moi, répondit froidement cet invité de marque. Et pour vous autres ?
    Seul Bonnefoix prit du vin.
    — Maintenant, laisse-nous seuls.
    L’aubergiste fila dans sa réserve.
    François restait sur ses gardes, scrutant le policier, épiant ses gestes. Mais ses réactions ne m’étonnaient pas. En quelques scènes, j’avais apprécié le pouvoir des mouches et la peur qui s’y associait.
    Ce n’est qu’à cet instant que mes jambes et mes mains se mirent à trembler. Mais dans mon émotion, se mêlaient autant les images de notre échauffourée que la mort du pauvre esclave. Je m’en voulais de ne pas avoir fait appel à La Reynie bien avant. Une vie, sans doute, aurait été épargnée. Et, au lieu de nous morfondre, nous questionnerions ce témoin...
    — Notre dernière piste s’est effacée, soupirai-je.
    — Vous oubliez Marinvaud, répondit promptement le lieutenant.
    — Du nouveau ? lançai-je pleine d’espoir.
    — Rien, grimaça-t-il. Et j’y crois faiblement. Mais qui

Weitere Kostenlose Bücher