L'Insoumise du Roi-Soleil
sait ? Le marquis de Penhoët nous annoncera peut-être une bonne nouvelle à Versailles.
Déjà, il se levait pour nous quitter.
— Auriez-vous baissé les bras ? tentai-je encore.
— Cette affaire fuit comme l’eau dans la main. Cependant je retiens l’idée de monsieur...
— Bonnefoix. Jean-Baptiste Bonnefoix. À votre service, mon lieutenant, répondit-il en reposant le pichet de vin qu’il commençait à avaler d’un trait.
— Eh bien ! monsieur Bonnefoix, nous dirons partout que le fantôme a parlé. Et qui sait ? argua-t-il sans trop de conviction.
Je le sentais résigné. Quelque chose changeait chez lui. La détermination qu’il montrait dans son bureau avait comme disparu. Pour lui, l’enquête paraissait terminée et déjà classée. Il se baissa pour me saluer.
— Monsieur de La Reynie ! m’écriai-je en me levant d’un bond.
— Mademoiselle ?
— Quand bien même, vous n’abandonnez pas ? Vous ne pouvez pas ! Il y a mon père et le serment que nous avons passé le roi et moi. Et notre contrat ! Vous et moi...
Il réfléchit longtemps avant de déclarer :
— Mademoiselle, vous avez fait beaucoup. Esprit, courage, honneur... Désormais, personne ne pourra douter de vous, et le roi en sera convaincu. Si – je dis bien, si – nous n’obtenions pas de meilleur résultat, sachez que j’agirai de tout mon poids pour le lui faire entendre.
Il sourit faiblement :
— Je me sens un peu coupable, aussi. Sans moi, sans cette lettre dont j’ai eu le malheur de prendre connaissance, vous n’auriez pas eu à risquer votre vie. Mais j’en ai vu assez pour vous connaître. Je vous promets donc d’obtenir le pardon du roi, je lui décrirai votre action et votre bravoure. Je lui dirai que vous avez combattu pour son service. Mais, mademoiselle, ne vous obstinez pas. Pour ce soir, c’est fini. Et vous verrez que vous pourriez apprendre une bonne nouvelle. Reposez-vous, maintenant. Bonne nuit. Et à demain, à Versailles.
Il jeta un œil à chacun, sourit à Faillard, s’arrêta sur François sans que rien ne perce de ses impressions et il sortit sans plus de commentaires. Dehors, il retrouva ses hommes qui le suivirent comme la meute s’accrochant à son maître.
Pourquoi parlait-il comme si tout était conclu ? Qui lui en donnait le droit ? Ou pis, qui lui avait ordonné d’agir ainsi ?
Le départ de La Reynie soulagea la rue Mouffetard. Les hommes revinrent dans le cabaret et l’aubergiste manifesta moins d’empressement à nous servir. Faillard jeta une pièce sur la table et nous sortîmes aussi. François s’apaisait, redevenait lui-même, s’approchait de nouveau de moi, cherchant à me séduire, ou à se faire pardonner une attitude grossière et pour le moins violente. Il s’excusait, affirmant qu’il regrettait son emportement et, pour explication, il se contentait de répéter que La Reynie était l’ennemi des poètes.
— Je me sens mieux hors de sa présence, murmura-t-il en me lançant son regard le plus doux. En fait, je ne suis bien qu’avec toi.
À quoi bon le torturer davantage ? D’ailleurs, je n’en eus pas le loisir. Faillard me tirait à l’écart. Il voulait me parler :
— Permettez ! J’ai quelque chose à vous dire... Voilà. J’ai une lettre de votre père. Elle vous est adressée.
Tout le reste s’effaça sur-le-champ.
— Donnez vite !
— Songez que je rôdais seulement pour vous la délivrer.
— Une bonne étoile m’accompagne, monsieur Faillard.
— Ne la sollicitez pas trop. Je l’ai dit. Une fois, c’est la chance du débutant. Bon, revenons à cette missive. Votre père répond à celle que vous lui avez envoyée. Le pli est passé par moi, car il craignait les espions de La Reynie. Le pauvre homme ne pouvait savoir que vous aviez pactisé avec lui. Je crois qu’il en rira ! Enfin, je l’espère. Mais par quel moyen avez-vous retourné cet homme inflexible ?
— Nous sommes alliés. Du moins, je le crois... Mettons ce revirement sur le compte de ma bonne étoile.
— À Paris, c’est un solide bouclier, certes, mais n’oubliez point de surveiller vos arrières. Il est rusé et redoutable. Encore un mot : pour communiquer, nous utilisons, votre père et moi, des coursiers que ses espions ne connaissent pas. Si vous voulez lui répondre, adressez-vous à moi.
— Comment vous trouverai-je ?
Il lissa ses moustaches en souriant :
— Vous l’avez constaté, je ne suis jamais loin. Nous aurons donc d’autres
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