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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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réfléchi. Il se pourrait même que vous en ayez parlé avec d’autres, sans doute aux jansénistes, vos amis les plus proches. Que pensent-ils ? Je vous en supplie. Dites-moi si je m’égare en imaginant qu’il pourrait exister un lien entre ce crime et leur croyance.
    Elle hésita encore. Ses yeux allaient du bureau à moi. Soudain, elle se décida à accepter l’épreuve de la vérité.
    — Pourquoi te le cacher ? Je parlais justement de ce sujet à un monsieur de Port-Royal, dit-elle en montrant la lettre qu’elle rédigeait au moment où j’entrais. Ne me demande pas son nom. Entre nous, et depuis quelque temps, nous avons pris l’habitude d’écrire secrètement.
    — Que craignez-vous ?
    Elle sourit faiblement :
    — Un complot... Car tu as sans doute vu juste, Hélène. On cherche à nous imposer un même point de vue.

    À ma grande surprise, j’appris que les jansénistes de Port-Royal utilisaient les pratiques des organisations clandestines pour se tenir informés. Les courriers étaient codés, les noms aussi. Colbert s’appelait Nord, pour sa froideur. Quanto, je l’ai écrit, désignait madame de Montespan. Ces méthodes ne relevaient pas d’un jeu, mais de la prudence élémentaire, voire de la protection. Les jansénistes avaient peur. Et ils avaient raison.
    La publication en 1641 de L’Augustinius par l’évêque d’Ypres, monseigneur Cornelius Jansen, plus connu sous le nom de Jansénius, avait provoqué l’hostilité farouche et redoutable des jésuites. Qu’y avait-il de si terrible pour que la guerre soit ouverte ? La réponse tenait en une phrase : l’idée nouvelle de la Grâce souveraine de Dieu. On en revenait au principe de la prédestination. Quand un pécheur était sauvé, l’autre ne l’était pas. Et c’était le choix de Dieu, repentance ou non. Cette ligne affaiblissait d’emblée le rôle du directeur de conscience, comme mon père m’en avait entretenue. Mais selon la marquise de Sévigné, le débat allait beaucoup plus loin que la question du simple pouvoir des casuistes, ces spécialistes des cas de conscience dont le siège était tenu sans partage par les jésuites. Non, le vrai sujet tenait au rôle du roi. Donc à celui de Louis XIV.
    En plaçant la Grâce de Dieu au-dessus de tout, on comprenait que tous Ses enfants siégeaient au même rang. Le roi ne tenait donc plus une place particulière, ce qui était contraire à l’idée qu’il se situait au centre et au-dessus de tout. Ensuite, si chaque cas faisait l’objet d’un traitement particulier, c’est qu’il fallait croire dans le salut individuel. Les conséquences politiques de cette nouvelle géométrie de la foi se révélaient considérables. Le jansénisme mettait fin à l’idée du salut collectif, fondement d’une monarchie qui se reconnaissait dans un roi, représentant de tous. D’une certaine façon, cela signifiait la mort de Versailles, de sa conception, de ses jardins, mais encore de la cour rassemblée autour du Roi-Soleil, et aussi de l’étiquette, et même de l’État, du moins tel qu’il avait été conçu.
    À cette raison de fond, s’ajoutaient d’autres faits que la marquise considérait comme secondaires. Des « prétextes » disait-elle, pour nuire aux jansénistes. Des accusations visant à briser l’incroyable succès de Port-Royal qui essaimait ses idées dans les provinces de France et dans les ordres ecclésiastiques, séduisant de grands esprits, tels que Pascal et Racine. Ou bien encore, madame de Sévigné elle-même...
    En constatant les ravages de la propagation de cette pensée nouvelle, le clan théologique des jésuites, aidé par les bonnets carrés de la Sorbonne, se mit au service du pouvoir de Louis XIV qu’un tel salut individuel mettait à mal. Les jésuites y gagnaient puisque leur pouvoir était aussi en danger. Et l’on soutint que la théorie sur la Grâce divine et la Grandeur de Dieu avait des liens avec le calvinisme. On y ajouta ces manies de culte intériorisé et la défense de la misère de l’homme pour se persuader que les jansénistes étaient ni plus ni moins les alliés des protestants. Ce qui fut assez pour qu’on leur réserve la même intolérance.
    — Pourtant, s’insurgeait la marquise de Sévigné, nous nous opposons aux protestants. Nous vénérons la Vierge Marie et j’invite les âmes critiques à se rendre à la chapelle de Port-Royal pour y constater l’adoration perpétuelle de l’Hostie !
    Mais ces

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