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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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ne lui en donnais pas l’autorisation.
    — La vérité, la voici, fis-je d’une voix sombre. Le pauvre homme qui pouvait m’expliquer qui se cache derrière ce mystérieux fantôme est mort.
    — En quoi cela te concerne-t-il ? murmura-t-elle.
    — Hier, je ne vous ai rien dit. À présent, je vais le faire.
    La marquise ferma son encrier.
    — Nous prendrons tout notre temps.
    — J’ajoute que j’ai besoin de votre aide. C’est ainsi qu’il faudra m’entendre.
    — Tu ne peux savoir combien je m’en réjouis...

    Je n’eus pas besoin de raconter en détail comment j’avais affirmé au roi que, derrière les deux meurtres de Versailles, pouvait se cacher un complot religieux. Déjà, elle savait tout, m’apportant une nouvelle preuve de la qualité de son réseau d’informateurs. Et bien sûr, elle s’inquiétait pour moi. Elle, gracieuse et si céleste, portait ce jour-là une robe noire, sans atours ni broderies. Ses cheveux, sagement attachés, ajoutaient au sérieux de ces instants. Je l’avais surprise dans son intimité, telle qu’elle vivait ses longues journées de solitude, penchée sur sa table d’écriture. Mais l’examen que j’entrepris n’échappa pas à cet esprit perspicace.
    — Tu me trouves comme je suis, sourit-elle gentiment, et ce n’est pas l’impression que laissent mes lettres. On les juge légères et amusantes. Mais le cœur de celle qui les écrit est plus lourd qu’on ne le racontera jamais.
    La pièce était hantée de petits souvenirs où se mêlaient pêle-mêle les portraits de sa fille et ceux de son défunt mari dont les traits avaient été saisis à tous les instants de la vie. Un seul des tableaux les montrait réunis et c’était probablement une scène peinte un après-midi d’été, devant ce château de Bretagne où elle ne se rendait guère. Là, posée sur une chaise, était-ce la robe de baptême de sa fille ? À côté de moi, une édition ancienne des Évangiles et des Actes était ouverte sur la première lettre aux Corinthiens. Une encre noire en avait souligné quelques lignes : Je vous demande, frères, par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, de dire tous la même chose, de ne pas nous diviser et de faire un tout. Une même intelligence et un même point de vue... Sur la lettre qu’écrivait la marquise de Sévigné, ces mêmes mots étaient reportés : Un même point de vue. N’est-ce pas ce que nous devons craindre ? Je détournai les yeux.
    — J’ai également entendu dire que ton rapprochement avec La Reynie n’était pas de façade, murmura-t-elle.
    Pourquoi cacher ce qu’elle savait déjà ? Le feu crépita. Le vent souleva la cendre qui vint mourir sur le parquet. J’acquiesçai en silence.
    Un incroyable amoncellement de livres et de lettres encombrait son bureau. On en retrouvait même sur les fauteuils qui meublaient son domaine. Une bergère, située au plus près de la cheminée rougeoyante, était occupée par un chat tigré qui défendait sa place en feignant un profond sommeil. Mais la trace de ses égratignures, que l’on retrouvait tant sur les coussins tendus de velours vert et rose que sur les couvertures des livres, prouvait qu’il tenait à son royaume. Et le défendrait chèrement. Il bâilla et s’étira, découvrant des griffes acérées qu’il planta dans le tissu en me regardant froidement. La marquise ne le sermonna pas. Ses pensées allaient ailleurs.
    — Ainsi, on ne me mentait pas. Tu es terriblement engagée...
    Le chat ouvrit un œil. Ces humains bavards dérangeaient Sa Seigneurie. Il sauta lestement à terre, trouvant un refuge sur le bureau, à l’exact endroit où un rayon de soleil caressait la cire lustrée. Il entreprit sa toilette, allongé sur les papiers, agissant poliment et n’ajoutant rien à ce savant désordre.
    — Un complot religieux, répéta-t-elle. Tes accusations sont lourdes.
    — Le soir de mon arrivée, nous avons longuement discuté. Et je me souviens de vos craintes à propos de grands bouleversements. Songiez-vous à vos amis de Port-Royal ?
    La marquise de Sévigné se tendit. On parlait des jansénistes et le sujet lui tenait à cœur.
    — Tu as tout retenu, fit-elle vivement. L’excès de chocolat et tes questions insistantes m’ont poussée à te confier plus de choses qu’il n’en faut.
    — Mieux que quiconque vous connaissez les jansénistes de Port-Royal. Or, un des leurs a été tué. Villorgieux. Vous le savez, et je suis certaine que vous y avez

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