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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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arguments vrais ne suffirent pas pour que les jésuites ne s’acharnent plus à voir dans la prédestination une hérésie de la désespérance mettant fin au libre arbitre du confesseur. Condamner ou pardonner ? Les casuistes perdaient gros puisqu’ils ne servaient plus à rien...
    — L’espérance portée par le jansénisme était forte, le combat de nos ennemis perdu. Alors, soupira la marquise, on préféra ordonner la destruction de nos idées par la force.
    On se tourna d’abord contre le duc de Liancourt à qui l’on refusa l’absolution tant qu’il ne retirerait pas sa fille de Port-Royal. Mais comme les mesures individuelles ne ralentissaient pas l’adhésion d’un nombre croissant d’esprits aux thèses jansénistes, on institua la peur. Hardouin de Péréfixe, l’archevêque de Paris, s’en chargea le 26 août 1664.
    — C’était l’ancien précepteur de Louis XIV, précisa la marquise. Et n’oublie pas cela, Hélène. Tu comprendras mieux l’évolution du roi et ce qui nous menace.
    Pour effrayer Port-Royal, Hardouin de Péréfixe n’avait pas hésité à investir les lieux même du couvent, accompagné du lieutenant civil, du guet, du prévôt, de deux cents archers armés de mousquets. Menaçant Madeleine de Saint-Agnès de Ligny, l’abbesse de Port-Royal, il réunit alors les présentes et les traita de noms d’oiseau.
    — Petites sottes ! Ignorantes ! Pimbêches ! Peut-on croire cela ? s’offusquait la marquise de Sévigné. Vois-tu, Hélène, après ce sermon peu charitable, l’archevêque fit avancer un carrosse-prison où douze religieuses furent embarquées. Les jésuites et le roi voulaient museler les jansénistes.
    Mais la graine était plantée. Bientôt les évêques d’Angers, de Chalon, d’Alet et de Pamiers rejoignirent la cause de Port-Royal.
    — Arnauld, Vialet, Caulet, Papillon ! s’emportait la marquise. Des princes de l’Église applaudissaient Jansénius. Si bien que le roi dut mettre de l’eau dans son vin. Et ce fut la paix de l’Église. Pendant dix ans, et jusqu’en 1679, il y eut dans le Royaume de France comme un grand soulagement. Et nous connûmes alors le sens du mot liberté. Oh ! Bien sûr, les uns et les autres ne partageaient pas la même opinion, mais c’était aussi notre force. Entendre les sermons de Bourdaloue ou les critiques de Molière ? Au moins, nous avions le choix et jamais la cour ne fut plus agréable. Ses plaisirs, ordonnés par la marquise de Montespan, valaient ceux de l’île enchantée et, en ce temps, le roi se plaisait à recevoir le janséniste Antoine Arnauld qui, quelques années plus tôt, avait pourtant été obligé de se cacher pour avoir publié La Fréquente Communion . Oui, ma chère Hélène, ce fut une belle époque, quand régnait la sultane du roi et la plus libre des femmes.
    Elle plongea dans ses souvenirs et ceux-ci la touchaient douloureusement. Le chat tigré en vint-il à s’attendrir ? Il quitta sa place sur le bureau pour venir se nicher sur les genoux de la marquise. Il ronronnait, les yeux mi-clos perdus dans la cheminée.
    — Pourquoi la paix de l’Église s’est-elle achevée ? demandai-je.
    — En vérité, le prestige de Port-Royal était trop grand, soupira-t-elle en caressant le poil du matou. Notre bibliothèque se chargeait d’œuvres admirables, les meilleurs penseurs nous rejoignaient. Et notre erreur fut de devenir une sorte de parti, concurrent de celui des jésuites. Dès lors, il fallait nous éliminer. Le 18 novembre 1679, le roi disgracia monsieur de Pomponne alors qu’il était au gouvernement. Sa faute ? Aimer le jansénisme. Depuis, Port-Royal se trouve en sursis. Et il viendra le jour où ses moniales seront bannies 1 . Oui, le vent de la liberté ne souffle plus. Mais je ne suis pas de ceux qui accusent les jésuites de tous les maux. Pour moi, et bien que j’admire et apprécie le roi, il est aussi responsable. Et d’autres que moi le pensent aussi.
    Au fond, la liberté semblait menacée parce que Louis XIV ne supportait pas d’autre religion que la sienne. Mais avait-on une idée claire de ce en quoi il croyait ? Cette fois, la marquise hésitait.
    Elle leva un bras, cessant un instant de s’intéresser au chat. Celui-ci, sans hésiter, l’abandonna pour venir se frotter à mes pieds. Le front de la marquise s’enrichit d’une petite marque d’agacement :
    — Tous s’accordent pour dire que sa religion n’est pas celle du Vatican puisque le roi

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