Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
la marquise de Montespan m’apprenait qu’il semblait décidé. Un tourbillon de feu et de haine surgit alors devant mes yeux. La guerre, l’exil ! La colère me saisit :
    — Les casuistes ne pourront pas démontrer qu’un vœu vaut plus qu’un autre, criai-je malgré moi. Non ! Le roi est soumis à la parole de ses ancêtres. C’est le même sang qui coule dans ses veines. Non ! Il ne peut pas !
    — Vous n’imaginez pas la force d’un directeur de conscience, murmura-t-elle. Je vous parle de ce que je connais mieux que personne. Et je vous souhaite de ne pas avoir à vous mesurer à l’un d’eux.
    Sa voix, calme et désabusée, me fit retrouver un peu de sérénité. Mais je vis que ses mains tremblaient.
    — Comment parviendrait-on à le convaincre de renier le serment d’Henri IV ? Par quelle méthode ? Quel argument ?
    — Je l’ignore, soupira-t-elle.
    — Au moins, pensez-vous que ces meurtres y concourent ?
    Elle haussa les épaules. Non, elle ne savait pas. Pourtant, elle ajouta ceci :
    — Je crois connaître le roi et, si je jure de ne jamais trahir ses secrets, j’ai le devoir de le servir moi aussi. C’est ainsi qu’il faut comprendre ce que je vais dire. Mais il vous faudra garder à jamais le silence. C’est oui ?
    Un hochement de tête suffit pour la rassurer. Elle fixa un point dans l’eau, cherchant dans sa contemplation les mots justes qui devraient être prononcés. Et quand elle se sentit prête, elle parla :
    — Le roi est hanté par le souvenir des bouleversements qu’il a connus enfant lors de la Fronde. On le croit solide, mais il a son talon d’Achille. Or, ce dont on lui parle est synonyme de trouble, d’hérésie. Ces mots, il ne les supporte pas, car il y voit les souffrances du passé. Et on s’appuie sur cette frayeur pour le décider à agir.
    — La peur ? insistai-je. Louis XIV, ce roi que j’ai vu altier, sûr de lui, écrasant la cour de sa superbe ?
    — Ne vous y trompez pas. Ce n’est pas une accusation, encore moins une critique. Je dis simplement qu’il est homme avant d’être roi et que son credo tiendrait dans un chapelet. Sa foi est simple et la théologie l’ennuie. Mais l’histoire qu’il a reçue en héritage, c’est la Fronde et les guerres de religion. De quoi parle-t-on aujourd’hui ? De querelles menaçantes quand il n’aime que l’autorité. Mais, lui souffle-t-on, on peut y mettre fin en brisant les hérésies.
    Elle soupira :
    — Mon explication est simple. Mais pas plus et pas moins que cet homme dont j’aime aussi les faiblesses.
    — Ainsi, madame, tout serait dit ! Un roi, et le plus grand, serait sur le point d’être convaincu que, pour ne pas réveiller les maux d’antan, il convient de répondre avec l’intolérance. Je me fais fort de battre sur ce terrain le plus rusé des casuistes !
    — Vous n’en auriez pas le temps, se força-t-elle à dire en souriant. C’est un travail qui se calcule en années, et son entourage le sait. Non ! Pour éclairer le roi, il suffirait d’une preuve certaine lui démontrant qu’on le trompe.
    — Mais où la trouver ?
    — Ces morts, ce fantôme ! N’est-ce pas le jeu de nos ennemis pour convaincre Louis de mettre fin au... désordre ?
    — Je le pense aussi, madame.
    — Vous pouvez justifier ce complot ? demanda-t-elle le cœur soudain plus léger.
    — Je n’ai rien, madame. Rien qui ressemble à une accusation.
    — Un nom. Un seul ! Et le roi changera ! J’en fais moi aussi le serment...
    Je fis non. Son regard repartit vers le côté le plus sombre de Versailles :
    — Tous ces mots, toutes ces confidences, tous ces efforts seront donc inutiles.
    — Il nous reste un espoir, glissai-je à mi-voix.
    Elle se redressa si vite que la gondole tangua :
    — Ne me faites pas languir plus longtemps...
    — Le marquis de Penhoët a, en ce moment, un rendez-vous qui pourrait éclairer cette affaire sous un angle nouveau. Et je dois le revoir, cette nuit.
    — Andiamo ! cria-t-elle au gondolier qui sommeillait sur sa perche.
    Et nous repartîmes aussitôt vers les lumières du palais.

    En débarquant, la marquise de Montespan ne prit pas le temps de répondre aux salutations qu’on lui adressait. Elle marchait d’un pas vif, houspillant son valet pour qu’il lève le flambeau. Mais, en arrivant au parterre de Latone, nous fûmes pris dans la nasse des courtisans. Un monde considérable s’était regroupé et les visages se montraient sombres. La marquise tenta de fendre la

Weitere Kostenlose Bücher