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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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effet d’être bientôt morte, lança-t-elle imprudemment.
    Je rapprochai ses mots de ce que nous avions imaginé, madame de Sévigné et moi. Oui, je me trouvais à deux doigts de réussir. Et puisque nous étions sur l’eau, il fallait m’y jeter :
    — Peut-on tout dire devant ce marin ? demandai-je.
    — Il ne parle pas notre langue. Dites-moi où nous en sommes ? s’impatienta Madame de Montespan.
    — Il faut voir au-delà des apparences.
    — Mais encore...
    — Selon moi, les mêmes causes produiront les mêmes effets...
    Elle hésita peut-être. Mais elle sentit aussi que je n’en dirais pas plus.
    — En parlant ainsi, finit-elle par lâcher, vous pensez à... l’Affaire des Poisons ?
    Mon cœur se mit à battre très fort. Nous y étions.
    — Oui, madame, et si je parviens à aider mon père, je crois que je pourrais aussi faire triompher votre cause.
    — Suis-je si menacée ? gémit-elle.
    — Madame, c’est la tolérance que l’on vise. Sous toutes ses formes. Du moins, j’en suis persuadée.
    — Ainsi, je ne me trompais pas ! osa-t-elle. Qu’avez-vous su encore ?
    — Pas assez pour dénoncer ces menées secrètes. Aussi, il faut m’aider en me disant tout ce que vous savez.
    À nouveau, elle hésitait.
    — Madame, ajoutai-je, vous m’avez fait venir car la situation est dramatique. Ce que nous craignons surviendra peut-être, à moins que j’informe le roi. Et je me crois mieux placée que vous pour lui parler.
    — Pourquoi ? fit-elle d’un ton narquois.
    Je l’avais blessée, mais ne l’était-elle point déjà ? Son esprit décidé ne suffisait plus. Elle m’apparaissait comme les cygnes gracieux et célestes du Grand Canal qui feraient entendre leur chant au moment de s’éteindre. Et je devais lui dire qu’elle et moi nous le savions :
    — Je me confierai franchement. Vous avez usé tous les recours auprès du roi. Si vous parlez, il pensera que vous agissez dans votre intérêt et vous l’avez compris. Cela explique que vous m’aidiez. Vous espérez qu’en obtenant l’indulgence pour mon père, je vous défende aussi, car vous êtes, tous les deux, victimes des mêmes accusations : tolérance, licence, esprit d’indépendance... Des mots qui frôlent l’hérésie. Et comment les entendra-t-on demain ? Protestants, jansénistes, femme adultérine ou simple honnête homme ! Et pourquoi ne brûlerait-on pas Pascal, Descartes, Racine, Molière et tous nos amis poètes ? Oui, le complot est là. Il frappera n’importe qui. C’est le monde vers lequel nous avançons et qui nous effraye.
    Les larmes vinrent sur son visage. Montespan n’était plus. Derrière, le matelot poussait sur sa perche dans le plus grand silence. Nous arrivions au bout du Grand Canal. Après, la nuit seule dominait. Pis encore, le noir comme l’oubli. En tournant la tête, on apercevait, au loin, les lumières de Versailles. Qui incarnaient un autre monde, un tableau brouillé par la brume soudain glaciale. Je laissai passer un temps. Ses larmes s’apaisèrent. Alors, je repris doucement, et presque tendrement :
    — Vous et moi, nous poursuivons le même combat, celui de la liberté. Pour que je puisse vous aider, vous devez le faire en retour. Dites ce que vous savez.
    Elle contempla l’onde comme le fit sans doute Narcisse. Miroir, miroir ? La Montespan releva son beau visage. C’était celui d’une femme vaincue :
    — Cela a commencé avec l’Affaire des Poisons. J’avais, soutenait-on, sali le roi. Je subis même une admonestation publique de Louis XIV et je crus mourir de honte. On me condamnait un peu, dans le doute, mais sans que je puisse me défendre puisque les poursuites étaient abandonnées. Il le fallait, m’assura Louis.
    Elle releva les yeux :
    — Pardonnez-moi, je parle de Sa Majesté.
    — Continuez, je vous en prie.
    — Nos cœurs s’étaient compris. Le sien savait que jamais je n’aurais pu agir contre lui. Et il ne douta plus. Il s’agissait d’un faux procès. On soupçonna Louvois d’avoir voulu abattre Colbert et l’on en voulut à La Reynie pour son empressement. Celui-ci se fit pardonner en prouvant au roi que Louvois, pas plus que Colbert ou moi, n’étions mêlés au complot des empoisonneurs. Qu’avais-je fait de si grave ? L’accusation tenait dans le maniement de poudres destinées à mon propre usage. Pouvait-on détester une femme qui cherchait à garder le cœur de son amant ? Et je crus que tout reprendrait comme avant.
    — Mais qui avait

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