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L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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Voyez-vous, je ne suis pas bâti pour les travaux de vos champs. Je n’ai ni la taille ni la force pour ce genre d’ouvrage. Je souffre et m’essouffle. Je peine à lever la fourche et, le soir venu, je mange plus que ma part de travail, et plus encore que celle que j’ai ôtée à la terre.
    — Ton honnêteté est dangereuse. Tu avoues que tu ne m’es pas utile, avait lancé mon père d’une voix où ne perçait aucune menace.
    — Je sais que l’on peut vous parler franchement. C’est pourquoi je vous ouvre mon cœur. En continuant le métier de paysan, je ne sers pas au mieux vos intérêts.
    — Que dois-je en conclure ?
    — Tout autre que vous me ferait battre ou donnerait ma graisse aux cochons.
    — Et moi, que faut-il que je fasse ?
    — Vous réfléchirez et vous conclurez que mon emploi se trouve ailleurs.
    — Penses-tu au métier de soldat ?
    — Regardez-moi... Pas plus que vous je n’y crois.
    — Chanoine, alors ?
    — Par pitié, mon seigneur... L’habit ne fait pas le moine. Je suis gros, mais je n’ai rien de lui.
    — Songerais-tu à l’oisiveté ?
    — Je n’ai aucun goût pour la paresse.
    — Alors quoi ?
    — J’ai réfléchi et...
    — Et les idées tournent comment dans cette tête ronde ? s’amusait mon père.
    — Il me semble, murmura prudemment Jean-Baptiste Bonnefoix, que le monde serait mieux fait si chacun trouvait sa place selon ses talents.
    — Reconnaître les talents de chacun serait déjà un progrès. Mais toi, entends-tu changer l’ordre des choses ? Serais-tu dominé par l’envie ?
    — Dieu m’en garde, monsieur le comte ! Pas un instant, je n’aspire ou ne songe à d’autre rang que le mien.
    — Tu penses que tu n’es pas là où Dieu aurait dû te placer ?
    — C’est Lui-même qui me souffle mes mots et m’a guidé vers vous. En parlant ainsi, je ne commets donc aucun sacrilège, monsieur le comte.
    — Tu prends souvent le Créateur à témoin. Méfie-toi ! L’Inquisition en a questionné pour beaucoup moins que ça.
    — Si je L’ai offensé, je sais qu’Il accordera Son pardon au plus humble de Ses enfants, mais j’entends ce conseil, monsieur le comte, et je le fais mien. Désormais, je parlerai pour moi. Acceptez-vous de m’entendre, tout simplement ?
    — Voyons où te conduira ton adresse, car si tu ne manies pas bien la fourche, ce n’est pas le cas pour les paroles. Où as-tu appris à raisonner ?
    — Pour un paysan comme moi, ce n’est que du bon sens, monsieur le comte.
    — J’ai hâte d’entendre où il nous conduira.
    — Eh bien voilà... Plutôt que de plier le torse vers la terre, je pense qu’en vous épaulant, je serai plus utile aux deux.
    — Tu voudrais que je te prenne à mon service ?
    — Je serais votre valet.
    — Quels sont tes arguments pour me décider ?
    — Si l’on accepte l’idée que je suis mauvais paysan, j’en conclus que vos prés et vos bêtes se trouveront soulagés de me voir partir. Mieux, ils vous remercieront. Si ma main ne sème plus, le blé poussera aussi droit que les sillons que s’échinent à tracer vos bons cultivateurs. Si je ne fauche plus, les champs seront taillés comme il faut. Le foin s’épanouira. Les vaches, enfin soulagées, cesseront de mugir. Leurs pis gonflés de lait donneront de quoi nourrir les veaux et les enfants. Faut-il parler de ce que gagneront les poules et les dindes après mon départ ? Je donne trop ou pas assez de grains. Sinon, je casse les œufs frais. Hier, j’ai oublié de fermer la porcherie. Les plants du potager n’ont pas résisté à la gourmandise des cochons. Est-ce eux qu’il faut accabler ? Avec moi, labourage et pâturage ne sont plus les deux mamelles de la France. C’est pourquoi, monsieur le comte, il y a tout à gagner en me prenant à votre service. Je mettrai fin à un désastre et trouverai la place qui convient à ma condition. Vous hériterez d’un solide valet et ne perdrez qu’un piètre fermier.
    Il marqua un silence avant d’ajouter :
    — Je ne sais pas compter, mais il me semble que l’affaire est bonne...
    — Comment être certain que tu ne commettras pas d’autres désastres dans tes nouvelles fonctions ?
    — Si c’était le cas, je n’aurais plus qu’à me pendre. Or, j’ai trop peur de la mort.
    — Et tu t’en approches en t’exprimant un peu trop librement...
    — Soyez assuré que je vais mettre tout en œuvre pour vous prouver que ma vie, à vos côtés, vous est désormais des plus utiles puisque,

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