Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Insoumise du Roi-Soleil

L'Insoumise du Roi-Soleil

Titel: L'Insoumise du Roi-Soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
Vom Netzwerk:
suite, le fiacre devint si rentable que Blaise Pascal et le duc de Roannez inventèrent les carrosses à cinq sols qui circulaient dans Paris, à heure fixe, du Luxembourg à la Bastille, ou de la porte Saint-Antoine à Saint-Roch. Celui que nous avons emprunté a dû connaître cette époque avant de finir sa vie, pour le prix du bois, chez l’aubergiste !
    — Je connais ces fiacres anciens reprit Jean-Baptiste, vexé d’avoir confondu le saint des voyageurs avec celui des jardiniers. Vous n’étiez pas né que j’empruntais déjà ces machines qui font le tour de Paris et qu’il suffit de héler pour qu’elles vous conduisent.
    — N’espérez pas en croiser aujourd’hui, reprit François de Saint Val. Les carrosses à cinq sols n’existent plus.
    — Quelle catastrophe cette ville a-t-elle encore conçue ?
    — Les lettres de patente signées par le roi n’interdisaient à personne de monter dans ces carrosses, mais le Parlement de Paris en refusa l’accès aux soldats, aux pages et aux laquais.
    — Qu’en était-il pour les valets ? questionna Jean-Baptiste.
    — Si on les considérait comme gens de bras, ils devaient continuer à pied.
    — Qu’en pensez-vous, monsieur de Saint Val ? continua Bonnefoix en plissant les yeux.
    — Le plus grand mal. Et je ne fus pas le seul à Paris. Devant cette injustice, les carrosses à cinq sols furent boudés par la population. Et l’entreprise sombra.
    — Voilà que la morale est sauve, murmura Jean-Baptiste.
    — Ainsi, vous constatez que Paris n’a pas que des défauts, monsieur Bonnefoix. François de Saint Val marqua un temps avant de reprendre :
    — Votre attention pour le sort des valets est noble. Je l’apprécie.
    — C’est aussi parce que j’en suis ! lança vivement Jean-Baptiste en bombant le torse. Ma condition poussera-t-elle Beltavolo, fils du chevalier de Saint Val, à réviser son jugement sur moi ?
    — J’ai quitté la noblesse, répondit-il d’une voix triste et j’ai changé de vie... Désormais, je suis libre de choisir ceux que j’apprécie non pas en fonction d’un titre, mais selon l’honnêteté. Je vous devine ainsi, monsieur. Que vous soyez un valet ou un prince ne change rien à la sincérité d’une âme qui me semble claire. Je vous ai trouvé comme vous êtes. Je vous prends ainsi. Je vous demande d’en faire autant à mon endroit.
    Je vis que Jean-Baptiste, malgré sa méfiance naturelle, était plus ému qu’il ne l’aurait voulu. Par pudeur, François de Saint Val se tourna vers moi :
    — Et vous, mademoiselle, qui êtes-vous ?
    Fallait-il répondre à cet inconnu ?
    — Je suis Hélène de Montbellay, fille du comte de Saint Albert.
    Il chercha dans sa mémoire :
    — Saint Albert ? Il me semble... N’est-ce pas non loin de Saumur, baigné par la Loire ? Et votre père...
    Je l’interrompis aussitôt :
    — Vous semblez connaître beaucoup de choses, monsieur de Saint Val.
    — Il fut un temps où j’usais mon oisiveté en récitant la noblesse de France, rétorqua-t-il trop brièvement.
    Son visage se ferma. De quel drame souffrait-il ?
    — Maintenant, vous voilà comédien, repris-je pour prendre de court la gêne qui s’installait.
    — Et guide, depuis peu ! répliqua-t-il d’une voix où la tristesse avait disparu. Et si nous poursuivions l’expérience ? Cocher et guide sans accroître mes gages ? Un bon geste, mes seigneurs, gémit cet habile comédien, gardez-moi à votre service !
    — Tout doux, grommela Bonnefoix.
    — J’y suis favorable, rétorquai-je.
    — C’est dit ! Le contrat est signé. Je serai votre protecteur. Que dis-je, votre champion. Mais pour cela, il faut me fournir quelques détails. Connaissez-vous un peu ou beaucoup Paris ?
    — J’y entre pour la première fois.
    — Parfait ! Tout est à faire, j’adore ce nouveau métier. Par quoi commencerons-nous ?
    — N’est-ce pas au cicérone de décider ?

    François de Saint Val nous avait fait quitter la rue Saint-Jacques pour rejoindre le petit pont Neuf qui reliait la rive gauche à l’île de la Cité.
    Tant de curiosités et de mystères s’offraient à moi que je ne savais où porter mon regard ; et j’avais peine à comprendre que tant de gens pussent vivre dans si peu de place. Les maisons, construites en bois, s’élevaient sur deux ou trois étages, chacune semblant contenir plus d’âmes que toutes celles de Saint Albert. Les femmes, penchées à la fenêtre, s’adressaient aux passants, aux

Weitere Kostenlose Bücher