Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)
approchaient. Ils restèrent quelques minutes dans cette position, observant avec attention tout ce qui se passait.
– Le feu de nos gens a éveillé les Anglais, dit l’un d’eux, et tous les yeux sont maintenant tournés vers les batteries.
– Oui, et cela n’en vaut que mieux, répondit l’autre ; mais si le vieux mortier de cuivre, le Congrès , n’avait pas crevé hier, ils auraient entendu un tapage bien différent. Avez-vous jamais vu le vieux Congrès ?
– Non, je n’ai jamais vu le vieux mortier, mais j’ai vu cinquante fois les bombes qu’il lançait, et c’était une chose effrayante, surtout par une nuit obscure. Mais silence ! les voici.
Un corps nombreux d’infanterie arriva en ce moment, et défila près d’eux dans le plus profond silence en suivant les montagnes et en se dirigeant vers les rives de la péninsule. Tous ceux qui le composaient étaient vêtus et équipés à peu près comme ceux qui avaient reçu Cécile. Deux ou trois étaient à cheval, et leur costume plus militaire annonçait des officiers de haut rang. Venait ensuite un grand nombre de chariots qui prirent la route qui conduisait directement aux hauteurs voisines. Ils étaient suivis d’un second corps de troupes encore plus nombreux que le premier, marchant dans le même silence, et avec l’air grave d’hommes occupés de la plus importante entreprise. L’arrière-garde se composait d’un autre rassemblement de chariots chargés de grosses bottes de foin, de pieux et d’autres préparatifs de défense. Cette dernière division s’arrêta sur la terre basse qui formait l’isthme, et en un instant toutes ces bottes de foin furent jetées à terre et arrangées avec une promptitude presque magique, de manière à établir un parapet sur toute la largeur de ce point, qui, sans cela, aurait été exposé à être balayé par les batteries royales ; précaution dont l’oubli avait occasionné, comme on le croyait, la catastrophe de Breeds l’été précédent.
Parmi ceux qui traversèrent l’isthme les derniers, était un officier à cheval, dont l’œil fut attiré par le petit groupe de spectateurs placé sous le pommier. Le montrant à ceux qui étaient près de lui, il s’avança vers eux et se pencha sur sa selle pour les examiner de plus près.
– Que veut dire ceci ? s’écria-t-il ; une femme et deux hommes sous la garde de deux sentinelles ! avons-nous donc encore des espions parmi nous ? Qu’on abatte cet arbre ! nous en avons besoin d’ailleurs, et que je les voie au clair de lune.
L’ordre était à peine donné qu’il fut exécuté, et l’arbre fut abattu avec une célérité qui aurait paru incroyable à tout autre qu’à un Américain. Cécile fit quelques pas en avant pour n’avoir rien à craindre de la chute de l’arbre, et l’officier reconnut à ses vêtements et à sa tournure que ce n’était point une femme de la classe commune.
– Il faut qu’il y ait ici quelque méprise, continua-t-il ; pourquoi cette dame est-elle ainsi gardée ?
Un des gardes lui expliqua en peu de mots la nature de l’affaire ; l’officier lui dit d’exécuter les ordres qu’il avait reçus, et donnant un coup d’éperon à son cheval, partit au galop pour aller s’acquitter de devoirs plus pressants : il jeta pourtant quelques regards derrière lui de temps en temps, tant que la faible clarté de la lune lui permit de distinguer la taille et les vêtements de Cécile.
– Je crois qu’il faut gagner les hauteurs, dit un des gardes ; nous y trouverons probablement le commandant-général.
– Partout où vous voudrez, dit Cécile presque étourdie par le spectacle d’activité un peu confuse qu’elle venait d’avoir sous les yeux ; je suis prête à tout ; je ne demande qu’à arriver sans délai au but de mon voyage.
En quelques minutes ils arrivèrent sur le sommet de la hauteur la plus voisine ; ils s’y trouvèrent au milieu d’un cercle nombreux d’hommes travaillant à une fortification, et l’un des deux gardes se détacha pour chercher l’officier qui commandait ce poste.
Du point où elle était, Cécile voyait distinctement la ville, le port et une partie des campagnes adjacentes. Les vaisseaux anglais reposaient toujours tranquillement sur leurs ancres, et le jeune midshipman était sans doute paisiblement couché dans son hamac, à bord de la frégate dont les mâts s’élevaient majestueusement vers le ciel en belles lignes
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