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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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inspirer, le vieillard agitait la main d’un air d’impatience, comme s’il eût voulu dissiper les ténèbres dont il était enveloppé. Dans ce moment un rayon brillant du soleil se fit jour à travers le brouillard, et, dissipant la vapeur, jeta une clarté soudaine sur toute sa personne. L’expression dure et sévère de sa physionomie, son air hagard et inquiet changèrent au même instant ; un sourire doux et mélancolique se peignit sur tous ses traits et il appela à haute voix le jeune officier :
    – Venez ici, Lionel Lincoln, venez au pied de ce fanal ; vous pourrez y recueillir des avertissements qui, si vous savez en profiter, vous guideront sain et sauf à travers bien des dangers.
    – Je suis bien aise d’entendre le son de votre voix, dit Lionel en s’avançant de son côté ; vous paraissiez un être d’un autre monde, enveloppé dans ce manteau de vapeurs, et j’étais tenté de tomber à genoux et de demander votre bénédiction.
    – Et ne suis-je pas en effet un être d’un autre monde ! Presque tout ce qui pouvait m’intéresser à la vie est déjà dans le tombeau, et je ne prolonge ici mon pèlerinage encore quelques instants que parce qu’il y a une grande œuvre à accomplir, qui ne saurait s’effectuer sans moi. Je vois l’autre monde, jeune homme, beaucoup plus clairement et plus distinctement que vous ne voyez ce tableau mouvant qui est à vos pieds. Là il n’y a point de brouillards pour arrêter la vue, point d’illusions de couleurs, point de prestige des sens.
    – Vous êtes heureux, Monsieur, à l’extrême limite de la vie, d’avoir cette assurance. Mais je crains que votre détermination subite d’hier soir, de partager la demeure de cet idiot, ne vous ait exposé à bien des inconvénients.
    – Cet enfant est un bon garçon, dit le vieillard en passant la main sur la tête de Job avec complaisance ; nous nous entendons l’un l’autre, major Lincoln ; cela dispense des compliments et rend les relations plus faciles.
    – Il est un sujet sur lequel vous pensez de même ; je m’en suis déjà aperçu ; mais je crois que la ressemblance et la conformité d’opinion ne doivent pas aller plus loin.
    – Les facultés de l’esprit dans son enfance et dans sa maturité sont à peu près les mêmes, reprit l’étranger. Le résultat de toutes les connaissances humaines n’est que de savoir à quel point nous sommes soumis à l’empire de nos passions ; et celui qui a appris par expérience à étouffer le volcan, et celui qui n’en a jamais éprouvé les feux, sont assurément des compagnons dignes l’un de l’autre.
    Lionel baissa la tête en silence devant une opinion si humble et si modeste ; et, après une pause d’un moment, il changea de sujet.
    – Le soleil commence à se faire sentir, dit-il au vieillard, et, lorsqu’il aura dissipé ces restes de vapeurs, nous reverrons ces lieux que chacun de nous a fréquentés dans son temps.
    – Et, selon vous, les retrouverons-nous tels que nous les avons laissés ? ou bien verrons-nous l’étranger en possession des lieux de notre enfance ?
    – Non pas l’étranger, certainement, car nous sommes les sujets d’un seul roi ; enfants de la même famille, nous avons un père commun.
    – Je ne vous répondrai pas qu’il s’est montré père dénaturé, dit le vieillard avec calme ; celui qui occupe maintenant le trône d’Angleterre est moins blâmable que ses conseillers de l’oppression qu’on souffre sous son règne.
    – Monsieur, interrompit Lionel, si vous vous permettez de semblables allusions à la personne de mon souverain, il faut que je vous quitte, car il sied mal à un officier anglais d’entendre parler aussi légèrement de son maître.
    – Aussi légèrement ! répéta l’autre avec lenteur ; en effet, la légèreté est un défaut qui accompagne d’ordinaire des cheveux blancs et des membres usés par l’âge. Mais votre zèle inquiet vous induit en erreur. J’ai vécu dans l’atmosphère des rois, jeune homme, et je sais séparer l’individu de la politique de son gouvernement. C’est cette politique qui amènera la scission de ce grand empire, et qui privera George III de ce qui a été si souvent et si justement appelé le plus beau fleuron de sa couronne.
    – Il faut nous séparer, Monsieur, dit Lionel ; les opinions que vous exprimiez si librement pendant la traversée roulaient sur des principes qui n’étaient pas en opposition

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