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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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qu’il eut pris la tasse, les mauvaises habitudes que l’on contracte pendant une longue traversée m’ont empêché de voir que vous n’étiez pas servie.
    – Profitez de votre distraction, Monsieur, dit Agnès, si vous pouvez trouver quelque plaisir dans la jouissance dont elle a hâté le moment.
    – Mais j’en jouirais bien davantage si je vous voyais partager avec nous ce raffinement de luxe.
    – Oui, vous vous êtes servi du terme propre ; ce n’est en effet qu’un raffinement de luxe dont on peut aisément se passer : je vous remercie, Monsieur, je ne prends pas de thé.
    – Vous êtes femme, et vous n’aimez pas le thé ? s’écria Lionel en riant.
    – J’ignore l’effet que ce poison subtil peut produire chez vos dames anglaises, major Lincoln ; mais il n’est pas difficile à une fille de l’Amérique de s’interdire l’usage d’une herbe détestable, qui est une des causes des commotions qui vont peut-être bouleverser sa patrie et mettre ses parents en danger.
    Lionel, qui n’avait voulu que s’excuser d’avoir pu manquer aux égards que tout homme bien né doit aux femmes, inclina la tête en silence, et se tournant d’un autre côte, il ne put s’empêcher de jeter les yeux, vers la table à thé, pour voir si les principes de l’autre jeune Américaine étaient aussi rigides que ceux de sa cousine. Cécile, penchée sur le plateau, jouait d’un air de négligence avec une cuillère d’un travail très-curieux, sur laquelle on avait voulu imiter une branche de l’arbuste dont les feuilles odorantes parfumaient le petit salon, tandis que la vapeur qui s’échappait de la théière placée devant elle formait un léger nuage autour de sa jolie tête, et lui donnait un air vraiment aérien.
    – Vous au moins, miss Dynevor, dit Lionel, vous ne paraissez pas avoir d’aversion pour la plante dont vous respirez le parfum avec tant de plaisir.
    L’air froid et presque fier qu’avait eu Cécile jusqu’alors avait entièrement disparu lorsqu’elle jeta les yeux sur lui, et elle lui répondit avec un ton de gaieté et de bonne humeur qui lui semblait beaucoup plus naturel :
    – Je suis femme, et j’avoue ma faiblesse ; je crois que ce fut du thé qui tenta notre mère commune dans le paradis terrestre.
    – Si ce que vous dites était prouvé, dit Agnès, il semblerait que l’artifice du serpent a récemment trouvé des imitateurs, quoique l’instrument de tentation ait un peu perdu de sa vertu.
    – Comment le savez-vous ? reprit Lionel en riant, pour prolonger un badinage qui pouvait du moins servir à établir entre eux un peu de familiarité ; si Ève eût fermé l’oreille aux offres du serpent avec autant de soin que vous fermez la bouche lorsque je cherche à faire usage des mêmes armes, nous jouirions encore du bonheur promis à nos premiers parents.
    – Oh ! Monsieur, ce breuvage tant vanté ne m’est pas aussi étranger que vous pourriez le supposer, car le port de Boston, comme dit Job Pray, n’est qu’une grosse théière {22} .
    – Vous connaissez donc Job Pray, miss Danforth ? dit Lionel qui s’amusait beaucoup de sa vivacité.
    – Certainement. Boston est si petit, et Job si utile, que tout le monde connaît l’idiot.
    – Il appartient donc à une famille très-connue, car il m’a assuré lui-même qu’il n’y avait personne à Boston qui ne connût la vieille et bizarre Abigaïl sa mère.
    – Vous ! s’écria Cécile de la voix douce et mélodieuse qui avait déjà frappé Lionel ; que pouvez-vous savoir du pauvre Job et de sa mère presque aussi malheureuse que lui ?
    – Maintenant, Mesdames, je vous y prends, s’écria Lionel ; vous savez résister à la tentation que vous offre ce thé délicieux mais quelle femme peut résister à l’impulsion de sa curiosité ! Cependant, comme je ne veux pas me montrer cruel avec deux jolies cousines que je connais depuis si peu de temps, je leur avouerai que j’ai eu déjà une entrevue avec Mrs Pray.
    Agnès allait répondre lorsqu’elle en fut empêchée par le bruit de quelque chose qui venait de tomber derrière elle ; elle se tourna et vit à terre les morceaux de la belle tasse de porcelaine que Mrs Lechmere venait de laisser tomber.
    – Ma chère grand’maman se trouve mal ! s’écria Cécile en volant à son secours. Vite, Caton… Major Lincoln, hâtez-vous ; pour l’amour du ciel, avancez nous un verre d’eau… Agnès, donnez-moi vos sels.
    Les

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