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Lionel Lincoln (Le Siège de Boston)

Titel: Lionel Lincoln (Le Siège de Boston) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: James Fenimore Cooper
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l’instant de plusieurs coups de pistolet et de l’ordre fatal de faire feu ! Aussitôt le cri du carnage fut poussé par tous les soldats, qui s’élancèrent sur la prairie et firent une décharge terrible sur tout ce qui se trouvait devant eux.
    – Grand Dieu ! s’écria Lionel, que faites-vous ? Vous tirez sur des hommes qui ne se défendent point, comme s’il n’y avait de loi que la force ! Arrêtez-les, Polwarth, faites cesser le feu.
    – Halte ! s’écria Polwarth en brandissant son épée au milieu de sa troupe d’un air menaçant ; rentrez dans l’ordre, ou je vous passe mon épée au travers du corps.
    Mais l’ardeur entraînante qui animait les soldats, et que leur marche forcée avait accrue, l’animosité qui couvait sourdement depuis si longtemps entre les troupes et le peuple, ne pouvaient pas se calmer en un instant. Ce ne fut que lorsque Pitcairn lui-même s’élança au milieu d’eux, et que, aidé de ses officiers, il leur fit baisser les armes, que le tumulte s’apaisa graduellement et que l’ordre se rétablit en partie. Avant qu’il y fût parvenu, quelques coups furent tirés au hasard par les provinciaux en fuite ; mais ils ne firent presque aucun mal aux Anglais.
    Lorsque le feu eut cessé, les officiers et les soldats se regardèrent quelque temps en silence, comme s’ils eussent prévu déjà une partie des événements terribles qui devaient être la suite de ce premier engagement. La fumée s’élevait lentement de la prairie, et ce voile vaporeux, se mêlant au brouillard du matin, s’étendit sur tout l’horizon, comme pour répandre au loin la funeste nouvelle que l’appel aux armes avait été fait. Tous les yeux étaient fixés avidement sur la prairie fatale, et Lionel éprouva un sentiment d’angoisse inexprimable à la vue de quelques hommes qui, mutilés et couverts de blessures, faisaient d’horribles contorsions, tandis que cinq ou six cadavres étaient étendus sur l’herbe, dans l’effrayante immobilité de la mort.
    Ne pouvant supporter ce pénible spectacle, Lionel détourna la tête et revint sur ses pas, tandis que le reste des troupes, alarmées par le bruit des décharges de mousqueterie, accouraient de l’arrière-garde au pas redoublé pour rejoindre leurs camarades. Il s’approcha de l’église sans savoir où il allait, et il ne sortit de la profonde rêverie où il était plongé qu’à la vue aussi subite qu’extraordinaire de Job Pray, qui sortait de l’édifice sacré, et dont les traits égarés annonçaient tout à la fois le ressentiment et la crainte.
    L’idiot montra du doigt le cadavre d’un homme qui, ayant été blessé, avait fait un dernier effort pour se traîner jusqu’à la porte du temple, dans lequel il avait si souvent adoré celui à qui il était envoyé si inopinément rendre ses derniers comptes, et il dit d’un ton solennel :
    – Vous avez tué une créature de Dieu, et Dieu s’en souviendra.
    – Plût à Dieu qu’il n’y en eût qu’une ! dit Lionel ; mais, hélas ! j’en ai vu plusieurs, et personne ne peut dire où s’arrêtera le carnage.
    – Pensez-vous, dit Job en regardant furtivement autour de lui pour s’assurer que personne autre ne pouvait l’entendre, pensez-vous que le roi puisse tuer des hommes dans la colonie de Boston comme il le fait à Londres ? Ceci va faire du bruit dans Fanueil-Hall, et plus d’une cloche sonnera encore d’un bout de la province à l’autre. Ah ! vous ne les connaissez pas !
    – Que peuvent-ils faire, après tout, mon pauvre garçon ? dit Lionel, oubliant un instant que l’être auquel il parlait n’avait pas la faculté du raisonnement ; la puissance de l’Angleterre est trop grande pour que ces colonies éparses et sans moyens de défense puissent entrer en lutte avec elle ; la prudence devrait leur conseiller de renoncer à tout projet de résistance pendant qu’il en est temps encore.
    – Le roi pense-t-il qu’il y ait plus de prudence à Londres que dans Boston ? reprit l’idiot ; qu’il n’aille pas croire que, parce que le peuple est resté tranquille pendant le massacre, cela se passera ainsi. Vous avez tué une créature de Dieu, et il s’en souviendra.
    – Comment vous trouvez-vous ici, petit drôle ? demanda Lionel revenant tout à coup à lui ; ne m’aviez-vous pas dit que vous alliez pêcher du poisson pour votre mère ?
    – Et pourquoi non ? reprit l’autre d’un air de mauvaise humeur ;

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