Liquidez Paris !
jette contre la porte d’acier en la frappant furieusement de ses poings.
– Assassins ! Assassins !
La voiture du Borgne freine, pneus hurlants. Le bandeau noir regarde le massacre, sans voir la religieuse à moitié folle qui tambourine sur la cloison d’acier.
– Cet imbécile n’est pas capable de conduire, qu’on l’envoie aux cuisines.
– Et vous, dit-il au lieutenant très nerveux qui surgit de la tourelle, au rapport à la section du Train quand nous serons de retour. Blindés en avant, et même si Satan se présente au bras de Jésus-Christ, écrasez tout ! En avant chiens ! Ne vous imaginez pas que vous êtes destinés à profiter de la vie !
A cet instant, une rangée de voitures marquées de la Croix-Rouge tente de nous dépasser, mais de gros camions s’embourbent. Malgré les cris de leurs équipages, nous les jetons dans le fossé. Place pour les Tigres ! Un lieutenant d’infanterie arrive aussitôt au pas de course, suivi d’un officier de la feldgendarmerie dont la sinistre plaque en demi-lune brille dans la nuit. Il tire son revolver.
– Sabotage ! Je vous arrête ! Quel est l’idiot qui commande ici ?
L’homme est sûr de lui ; les gens de la feldgendarmerie sont les maîtres de la vie et de la mort, tous fous de conseils de guerre. A leurs yeux, un colonel lui-même n’est rien.
– Qui se permet de stopper mes Tigres ? C’est vous ? hurle « Le Borgne ».
C’est le major général Mercedes, avec sa canne et son bandeau noir, qui se dresse de toute sa hauteur devant les deux hommes. Il écarte du bout de cette canne l’officier de la feldgendarmerie.
– Etes-vous fou ? Si vous ne disparaissez pas, je vous fais pendre sur l’heure à l’arbre le plus proche. Croyez-vous que la guerre attend ? Blindés en avant !
Peu après, une nouvelle colonne d’infanterie nous bouche le chemin. Ce sont des hommes sans armes, en débandade, fous de peur, qui se précipitent contre nos chars. Ils encadrent (l’on peut dire) des prisonniers anglais et américains en loques kaki. Tous les peuples de l’Europe forment cette colonne « allemande » : Russes, Ukrainiens, Cosaques Khirghizes, Bosniaques de la division musulmane, Hongrois des unités des Carpathes, Sudètes, Saxons, Bavarois, Alsaciens, Polonais, Italiens… Tout le monde, pêle-mêle, ne cherche qu’une chose : fuir !
– Belle armée ! crie Porta. Voudrais qu’Adolf voie ça !
– Il montre quelques parachutistes. – Et les gars de Hermann aussi ! Est-ce qu’on perdrait la guerre par hasard ? Alors vivement le tram pour Berlin !
Mais voilà qu’une unité de cavalerie arrive au grand galop ; les hommes se déploient en un immense éventail et sabrent à tour de bras les fuyards. Nous reconnaissons les cols rouges ; ce sont les Cosaques du général Vlassov, les spécialistes du nettoyage des rues. Et ils s’en paient ! Debout sur leurs étriers, ils volent, bride contre bride, l’écume aux naseaux de leurs petits chevaux ramassés. Des commandements rauques retentissent en russe, les sabres luisent ; en un temps record, ils ont arrêté la horde, et ils rient, tout fiers. C’est un travail à leur mesure, ces petits hommes des steppes. Les chevaux sont en sueur, les cavaliers sautent de leurs montures et brandissent leurs sabres, des sabres sans garde, un peu recourbés. Nous regardons les corps sanglants. Des Cosaques dans l’armée allemande, sous le commandement d’un général russe, tuent des soldats allemands avec des sabres russes ! Tout est démence. Pour qui se battent-ils donc ? Pas une once de pitié. Un commandant de la feldgendarmerie se frotte les mains et tape sur l’épaule d’un capitaine russe. Les chevaux boivent dans le ruisseau à grandes lampées, et les hommes se jettent à plat ventre pour boire avec leurs chevaux. Dans un régiment de Cosaques, l’homme et le cheval ne font qu’un.
Sabre au côté, ils s’avancent vers nous, leurs yeux noirs pétillent ; dans le clair de lune, l’étoile rouge brille sur les petites toques de fourrure. Au cou, la croix frappée d’un aigle.
– Salut Gospodin ! dit en riant un caporal trapu qui empeste la vodka.
Il porte son sabre en travers du ventre ; de larges épaulettes russes ornent son uniforme allemand, une grosse tresse blanche supporte l’étui du revolver ; au poignet, la nagajka (fouet cosaque) dont la lanière est enroulée. Il tend une main amicale Qu’en pensez-vous ? Ça
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