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L'oeil de Dieu

L'oeil de Dieu

Titel: L'oeil de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
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pour se retrouver pendus à la potence comme des pantins désarticulés agités de soubresauts. Lui et Murtagh avaient été les seuls épargnés. Murtagh était entré au service de la famille York, mais John avait vu dans sa grâce un signe du Seigneur. Il avait donc rejoint l’ordre des Dominicains à Dublin. Quatre ans après, sur sa demande, on l’avait envoyé au couvent de Blackfriars, à Londres. Il leva les yeux sur l’énorme croix et la silhouette tourmentée du Christ crucifié.
    — J’avais oublié le passé, murmura-t-il, mais, oh ! doux Seigneur, le passé ne m’a pas oublié. Je ne suis pas un traître, je ne suis pas Judas, et je n’ai pas de sang humain sur les mains.
    Il priait encore avec ferveur quand le maître aumônier le frappa doucement sur l’épaule.
    — Qu’est-ce qui te trouble, frère John ?
    Tuam leva la tête et regarda le vieux moine.
    — Rien, mon père, je me rappelais seulement mes méfaits d’autrefois, plaisanta-t-il.
    L’aumônier de nouveau lui effleura gentiment l’épaule.
    — Dieu ne s’intéresse pas au passé, fit-il observer, seulement au présent. Nos hôtes sont arrivés, John.
    Tuam se releva en souriant. Il fit une génuflexion devant la bougie du sanctuaire et suivit l’aumônier de l’autre côté du cloître vers une vaste cour juste devant le portail principal. Il s’y pressait une foule de mendiants, pitoyables et pathétiques épaves de la vie citadine : les éclopés, les blessés, bref, tous ceux qui étaient incapables de lutter pour leur survie. Deux lois par jour, à l’aube et au crépuscule, ils envahissaient la cour du couvent pour y recevoir une miche de pain, un morceau de viande séchée et une coupe de bière. Sur de longues tables à tréteaux, les moines avaient déjà préparé la nourriture, et les pauvres hères sales, déguenillés, salivaient en en sentant l’odeur douce et savoureuse. John prit un panier de pain et déambula au milieu d’eux, s’efforçant de sourire aux visages défigurés : un homme avait un oeil exorbité, un autre arborait un nez fendu en deux sur toute sa longueur. Une femme n’avait qu’une oreille, une autre avait les deux jambes coupées à la hauteur des genoux. Quant aux mains qui se tendaient sur son passage, elles étaient sales, noires de crasse.
    — Que Dieu te bénisse, mon frère. Que Dieu te bénisse, ma soeur.
    John répétait cette phrase comme il le faisait toujours quand il distribuait le pain. Il arriva au dernier rang des mendiants. Un homme y était recroquevillé. John vit les cheveux roux lorsqu’il écarta la couverture usée jusqu’à la corde qui recouvrait l’inconnu. Il le secoua et poussa une miche de pain sous son nez.
    — Que Dieu ait pitié de toi, mon frère.
    L’homme pivota brusquement, montrant un visage rebondi, alerte et déterminé. Il saisit la main de John de sa poigne d’acier et, avant que le moine puisse se dégager, plongea la longue lame dans sa poitrine.
    — Que Dieu ait pitié de toi, Judas ! siffla Padraig Fitzroy entre ses dents.
    Avant même que Tuam tombe affalé sur le sol, l’assassin avait fui comme une ombre par le portail ouvert.

 
    CHAPITRE III
    Kathryn et Colum s’assirent à la table de l’austère salle supérieure du château de Cantorbéry et attendirent que les autres prennent place. Par les fenêtres à meneaux, on voyait le ciel s’assombrir. Kathryn et Colum avaient regagné Cantorbéry le matin même, très tôt, et, sans attendre, Colum avait demandé audience au gouverneur du château et aux principaux membres de sa maison. Ceux-ci formaient maintenant un petit groupe dont les ombres s’étiraient sur les murs mal éclairés.
    Sir William Webster, le gouverneur, au visage rubicond et l’air préoccupé, tapotait sans arrêt avec un mouchoir sale son crâne presque chauve, son front et ses bajoues tremblotantes. Fletcher, son adjoint, maigre et dégingandé, avait un visage blême, des yeux las sous d’abondants cheveux graisseux. Il portait une veste de cuir usée et, par-dessous, une chemise blanche qui n’était pas bien propre. Gabele, le maître d’armes, était le type même du soldat : des cheveux coupés court, le visage buriné, maigre et ridé. Il avait revêtu son grand manteau militaire dont il resserrait les pans autour de lui. Le père Peter, chapelain de la prison, avait le teint grisâtre et faisait beaucoup de manières. À côté de lui se tenait le clerc Fitz-Steven, à l’air

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