Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'oeil de Dieu

L'oeil de Dieu

Titel: L'oeil de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: C.L. Grace
Vom Netzwerk:
peste. Les hommes, deux frères au visage tavelé, affreux, massifs comme des dogues, faisaient obstinément obstruction devant la porte, et, les pouces glissés dans leur ceinture, ils secouaient la tête.
    — Vous connaissez la loi, Maîtresse, déclara l’un d’eux. Quand la peste frappe un logis, on doit en fermer toutes les portes et les fenêtres, et le marquer de la croix rouge. Les occupants du lieu n’ont pas le droit de sortir, et personne n’est autorisé à entrer.
    Kathryn avança, l’air menaçant.
    — Je suis médecin, insista-t-elle, et dans cette maison vivent deux vieilles dames, deux soeurs, Maîtresse Maude et Maîtresse Eleanor Venables. Certes, leur servante est morte de la peste, et elle a été enterrée, mais les dames sont en bonne santé. Je veux leur parler.
    Le plus laid des deux hommes rétorqua :
    — C’est la paroisse qui nous a recrutés pour faire respecter la loi. Les vieilles mourront et on emmènera leurs corps pour les jeter dans une fosse hors des murs de la ville.
    Il sortit les pouces de sa ceinture.
    Thomasina et le jeune Wuf, qui se tenaient derrière Kathryn, bougèrent d’un même mouvement. Wuf bondit pour flanquer un bon coup de pied dans le tibia de  l’homme, qui rugit de douleur. Son frère voulut saisir Wuf, mais le garçon se cacha derrière les jupes de Kathryn.
    Thomasina s’avança, sa grande cape tourbillonnant autour d’elle, et elle brandit le panier de pommades et d’onguents de sa maîtresse comme elle l’aurait fait d’une hache de guerre.
    — Infâmes voleurs poltrons, rugit-elle tandis que son large visage s’empourprait et que ses petits yeux sombres scintillaient de colère, gare à vous si vous touchez à ma maîtresse !
    Les hommes reculèrent pour chercher refuge derrière leur charrette souillée de graisse.
    Thomasina reprit :
    — Kathryn Swinbrooke connaît personnellement Richard, duc de Gloucester, et elle est médecin au service de la ville de Cantorbéry. Enfin, elle est la bonne amie du commissaire du roi en personne, Lord Colum Murtagh !
    Kathryn se mordit les lèvres pour ne pas sourire : brusquement, par la bouche de Thomasina, l’Irlandais avait pris du galon. La servante regarda le petit attroupement qui s’était formé dans la ruelle.
    Elle prit les gens à partie, criant :
    — Vous allez laisser ces deux coquins s’opposer à un acte de charité ?
    Thomasina avança d’un pas, pointant un doigt vers les ramasseurs de corps.
    — Sales voleurs, rugit-elle, je sais ce que vous cherchez ! Vous enlevez les morts, et vous prenez tous les objets de valeur que vous trouvez dans leur logis. Or ces deux vieilles dames possèdent beaucoup de choses, et vous le savez.
    Un murmure d’approbation courut parmi les badauds.
    L’un des ramasseurs cria :
    — Si on laisse entrer quelqu’un, la peste risque de se propager !
    Les gens approuvèrent avec plus de conviction, cette fois.
    Kathryn leva les yeux : un petit volet dans la porte venait de s’ouvrir mais fut refermé presque aussitôt. Ne sachant plus à quel saint se vouer, elle jeta un nouveau regard à la croix peinte en rouge. Si elle s’avouait vaincue et repartait, Maude et Eleanor se croiraient abandonnées. Et si elles ne mouraient pas de la peste, elles périraient de faim et de désespoir.
    — J’entrerai dans cette maison ! déclara Kathryn.
    L’un des deux frères avança pour lui bloquer le chemin.
    — Cela suffit, à présent !
    C’est un petit homme chauve au visage rond qui avait parlé en sortant de la foule, en direction des deux ramasseurs. Il marchait en se dandinant, et son long manteau de drap vert doublé de fourrure d’écureuil, sa corpulence et son torse bombé lui donnaient la dignité d’un oiseau outragé. Néanmoins, Simon Luberon, clerc de Sa Grandeur l’archevêque de Cantorbéry et membre du Conseil de la ville, connaissait ses droits. Il se tourna et adressa un clin d’oeil à Kathryn.
    — Qui êtes-vous, petit insecte ? demanda l’un des ramasseurs de corps en ricanant méchamment.
    Simon Luberon le remit vite à sa place.
    — Je suis officier de la cité, déclara-t-il assez haut pour être entendu de tous. Et vous, vous pourriez bien perdre votre travail à vous entêter ainsi !
    — Nous ne faisons que notre devoir, protesta l’autre.
    Évitant soigneusement le regard de Kathryn, Luberon prit un air outragé et s’écria :
    — Votre devoir ! Je vous pose solennellement la question :

Weitere Kostenlose Bücher