L'oeil de Dieu
l’herbe.
— Vous avez entendu hurler ? insista Colum.
— C’est ce que j’ai dit.
Colum hocha la tête, ne sachant que penser. Puis il plaça une pièce de monnaie sur la table, déclarant :
— Maître Gabele, voilà de quoi offrir un verre à ces vétérans, mais pas avant que nous ayons ouvert la trappe donnant accès au belvédère.
Les trois soldats, Gabele et Fletcher passèrent devant, conduisant Kathryn et Colum le long d’étroits corridors. Ils montèrent un sombre escalier en spirale qui grimpait au sommet de la tour. Les marches en étaient raides et étroites, et ils durent s’arrêter un instant pour reprendre leur souffle. L’escalier de pierre s’arrêtait devant une grande trappe en bois qui ouvrait sur le belvédère, en haut de la tour. Kathryn vit alors à sa droite une fenêtre assez large pour laisser le passage à un homme, que des volets fermaient hermétiquement, maintenus par une lourde barre de bois.
— Cette ouverture donne juste au-dessous du belvédère, n’est-ce pas ? fit-elle observer.
— En effet, Maîtresse.
— À quoi sert-elle ?
— C’est une porte de sortie, expliqua Colum. En cas d’attaque du château, si les assaillants apportaient des échelles et des tours de siège, les défenseurs ouvriraient cette porte et pourraient repousser les échelles ou mettre le feu aux tours.
— Les assaillants ne pourraient-ils pas s’introduire dans le donjon par cette ouverture ? demanda Kathryn.
Gabele sourit.
— Non, elle serait renforcée et gardée par deux bons archers.
Kathryn considéra les deux volets en bois tandis que Fletcher demandait, railleur :
— Qu’est-ce qui vous tracasse, Maîtresse ? Vous n’imaginez pas que quelqu’un a poussé Sir William par cette issue, tout de même !
Il vit l’éclair de colère dans le regard de Kathryn et rougit.
— Je veux dire que le gouverneur se trouvait sur le belvédère, dont la trappe d’accès était verrouillée de l’extérieur.
Pour détendre l’atmosphère, Colum ordonna aux soldats de forcer la trappe au moyen du gros madrier qu’ils avaient monté depuis la cour. Suant et jurant, les hommes commencèrent à cogner contre la porte, qui céda enfin avec un craquement. Colum demanda aux hommes de reculer, il poussa la trappe et sortit sur le belvédère, suivi de Kathryn. Le vent, qui soufflait fort à cette hauteur, coupa le souffle à la jeune femme et la décoiffa. Elle nota les crochets et les cadenas à l’intérieur comme à l’extérieur de la trappe. D’une démarche malhabile, elle avança jusqu’aux créneaux pour regarder en bas et se détourna vivement : le vide lui faisait tourner la tête.
Le visage de Gabele apparut par la trappe, mais Colum lui dit de ne pas sortir, pendant qu’il examinait les lieux. À une extrémité se trouvaient les cendres du feu allumé par le gouverneur. Colum s’agenouilla pour étudier avec soin les empreintes de pas sur la fine couche de sable qui recouvrait le sol.
— Par les dents de Satan, murmura-t-il, Kathryn, venez voir !
Elle le rejoignit avec précaution. Colum lui montra les empreintes.
— Ce sont celles de Webster, et on les retrouve partout. En revanche, je ne vois aucun indice d’une autre personne qui se serait trouvée sur le belvédère avec lui.
Il regarda autour de lui en se frottant les mains pour les débarrasser du sable.
— Maîtresse, êtes-vous sûre que Webster a été frappé derrière la tête ? Car si c’est le cas, alors nous nous trouvons confrontés à un vrai mystère. En effet, voilà un homme qui monte sur le belvédère et verrouille la trappe derrière lui. Il reste ici un petit moment, les sentinelles l’ont vu. Le sable ne révèle la présence de personne qui se serait caché, et d’ailleurs il n’y a ici aucun endroit où se dissimuler. Dans ces conditions, comment le meurtrier aurait-il franchi la trappe et rejoint sa victime sans laisser d’empreintes sur le sable ? Comment a-t-il saisi le gouverneur, pour le frapper à la tête puis le jeter en bas de la tour, sans se faire voir des sentinelles ? Et comment a-t-il quitté la tour, et, d’une manière ou d’une autre, verrouillé la trappe de l’extérieur ?
Kathryn secoua la tête avec irritation et avança vers les créneaux. Là, elle regarda en bas. Directement sous la tour, il y avait la cour entourée de son mur d’enceinte que couronnait le chemin de ronde arpenté par les sentinelles. De nouveau,
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