L'oeil de Dieu
les yeux à l’entrée de Kathryn. Près de l’âtre se tenaient Thomasina et Wuf, ce dernier étrangement silencieux. Tous deux observaient l’Irlandais avec des yeux ronds, attendant sa réaction.
— Vous savez la nouvelle, Maîtresse Swinbrooke ?
Fixant toujours le centre de la table, Colum repoussa ses cheveux en bataille, avant de déboucler son ceinturon qu’il jeta sur le sol, à côté de lui.
— Oui, j’ai entendu la nouvelle, répliqua Kathryn, qui s’assit face à lui. Et Thomasina vous a parlé de notre visiteur, j’imagine ?
À cet instant, Colum se pencha en avant et d’un geste violent fit voler la coupe et le pain.
— Le Diable l’emporte ! hurla-t-il. Que Satan s’empare de son âme noire !
Wuf se mit à pleurer en se serrant contre Thomasina. Kathryn indiqua d’un mouvement de tête à la servante d’emmener l’enfant hors de la pièce. Thomasina ne se le fit pas dire deux fois, tandis qu’Agnes continuait à disperser des joncs dans le couloir, comme si elle redoutait de pénétrer dans la cuisine.
— Que signifie tout cela, Colum ? demanda Kathryn.
L’Irlandais la regarda : ses yeux étaient rouges et soulignés de cernes noirs. Il se gratta le menton.
Kathryn répéta sa question, puis ajouta :
— Fitzroy a dit qu’il était le quatrième homme que l’on envoyait après vous.
— C’est vrai, soupira Colum. J’ai rendu au Diable les trois autres.
Il indiqua la coupe tombée sur le sol.
— Quant à ceci, c’est leur manière de prévenir. La coupe de l’amertume et le pain des larmes.
L’Irlandais eut un sourire triste.
— Fitzroy a voulu m’indiquer ainsi que ma mort était très proche.
— Avez-vous peur ? demanda Kathryn, qui s’en voulut tout de suite de poser pareille question.
Se redressant, Colum appuya ses coudes sur la table, les mains devant la bouche, et il posa un regard singulier sur la jeune femme.
— Peur ? Peur de Fitzroy ? Non, je n’ai pas peur, Kathryn. Je suis en colère parce que c’est ici qu’il a laissé son infâme message. J’aurais eu plus de respect pour lui s’il était venu à Kingsmead. Mais c’est ainsi qu’est Fitzroy : il a toujours eu un côté bravache. Croyez-moi, pour cette raison, je le tuerai. Je ne sais ni quand ni comment, mais je le tuerai !
Colum ne voulut pas en dire plus. Thomasina reparut et, sans y avoir été invitée, lui servit du pain, du fromage et une cruche de bière. Une fois restauré, l’Irlandais monta se laver, se raser et se changer, et, quand il redescendit, c’était un autre homme. Il semblait presque heureux. Kathryn comprit que la visite de Fitzroy était une affaire réglée et que Colum désirait lui raconter la capture de Faunte.
— Il a été trahi, expliqua l’Irlandais qui s’était assis au coin du feu pour chausser ses bottes. Il n’avait plus que six soldats avec lui. L’un d’eux a envoyé un message à un puissant bourgeois de Londres, proposant de trahir Faunte à condition que lui-même soit gracié. Nous avons pris notre homme au moment où il sortait de la forêt. Nous avons fondu sur lui comme des faucons sur un pigeon. Les fuyards voulaient rejoindre un port. Ils se sont rendus sans se battre.
— Où sont-ils, maintenant ? demanda Kathryn.
— Au Guildhall. Faunte s’y trouve avec ses cinq complices. On doit les passer en jugement à midi, et ils seront pendus à une heure. Faunte, en tout cas. Quant à celui qui les a trahis, il a déjà été gracié et relâché.
Colum fit un clin d’oeil à Kathryn.
— Je veux que vous veniez avec moi là-bas. En vérité, c’est le duc qui y tient.
— Pourquoi ? s’étonna Kathryn. Colum, Faunte a-t-il des nouvelles de Wyville ?
— Il vaut mieux que vous veniez avec moi, répéta Colum.
Après avoir donné ses instructions à Thomasina, Kathryn se prépara à la hâte tandis que Colum s’en allait chercher leurs montures à l’auberge en haut de la rue. Puis ils partirent.
Ils n’étaient pas arrivés à mi-hauteur de Hethenman Lane lorsque Kathryn se rendit compte que toute la ville connaissait la nouvelle de la capture de Faunte. Et quand ils furent dans la Grand-Rue, il s’y pressait déjà une foule très dense. Colum dut se frayer un chemin au milieu des gens qui se bousculaient devant le Guildhall, jusqu’aux marches du bâtiment. Devant celui-ci se tenait une armée de soldats aux couleurs de Gloucester. Les hommes étaient en armes et portaient leurs
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