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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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d’hellébore que
mon beau-père prépare et me donne. Un narcotique qui calme la douleur. Un
remède efficace pour les contusions, les entorses, les blessures qui ne
saignent pas.
    — Ma sœur a la main magique pour soigner
les bêtes, dit Rekmirê en frottant sa tête encore un peu douloureuse. C’est mon
père qui lui apprend le nom des remèdes et leurs bienfaits. Mais, Satiah ne s’intéresse
qu’au soulagement des animaux. Ils se laissent tous approcher docilement, quand
elle vient les soigner.
    Il lâcha sa tête et s’approcha de sa sœur :
    — Tu pourrais aussi regarder mon crâne !
    Elle passa sa main dans les cheveux un peu crépus
de son frère et les lui ébouriffa.
    — Il me paraît en bonne forme, ton crâne,
petit frère. Mais, la prochaine fois, ne lève pas les yeux quand tu conduis les
chevaux à si vive allure.
    Puis, elle se tourna vers Brave qui ne
semblait pas avoir repris complètement la confiance qu’il mettait en son
maître.
    — Il est trop agité pour repartir. Il
faut le calmer.
    Elle sortit cette fois une boîte minuscule et
en tira une pincée de poudre qu’elle répartit encore dans le creux de sa main.
    — C’est un mélange d’extrait de racine de
mandragore, de feuilles d’acacia et de coriandre. Quand Brave l’aura respiré
quelque temps, nous pourrons repartir.
    Elle sentit le regard admiratif de Thoutmosis
sur elle et se dit qu’elle avait peut-être là, à l’exception de son immense
amour pour lui, le moyen de se distinguer de la Première Épouse Royale.
    Fatigués de leur course, les chevaux bien que
calmés et rassurés commençaient à se sentir épuisés. Les trois jeunes gens s’acheminaient
donc tranquillement le long des remparts qui bordaient le temple.
    Le soleil avait perdu de sa vigueur et des filaments
rouges commençaient à colorer le ciel bleu comme du lapis-lazuli.
    — Traversons au pas les jardins du
temple, Thouty. Cela va reposer les chevaux.
    — Ne les emballe pas, lança Thoutmosis à
Rekmirê. Laisse-les prendre simplement leur allure. Ils ont besoin de détente.
File tout droit, ils connaissent le chemin et nous conduiront au palais par l’intérieur
des jardins.
    Il se tourna vers Satiah et prit sa main dans
la sienne.
    — Cette course sans répit nous a épuisés.
Détendons-nous un peu.
    Elle pressa entre ses doigts menus la
puissante main de son compagnon.
    — Nous n’aurons pas de sitôt l’occasion
de nous retrouver seuls sans tes compagnons, tes capitaines, ton armée,
dit-elle en lui plantant un baiser léger sur la bouche. Et même ton harem t’accapare
à présent que tu es roi.
    Elle fit la moue.
    — Quand partiras-tu ?
    — Dès le début de la saison d’Akhit. Cela
me permettra d’enrôler une colonie de paysans désœuvrés pendant l’inondation.
La solde qu’ils recevront leur permettra de combler un peu tout ce qu’ils ont
perdu durant la famine.
    — Ma mère dit que les pays du Nord ne
sont pas agités. Pourquoi t’y rends-tu ?
    — Détrompe-toi. S’ils sont pacifistes, ce
n’est qu’une apparence. Le Mitanni excite les Babyloniens qui, à leur tour, se
tournent vers les Cananéens et les Palestiniens. Quant à la Libye, elle semble
s’énerver. Regarde, les navires chargés d’or que nous leur avons envoyés pour
échanger du blé ne les ont pas satisfaits. Ils ont parlementé, rechigné puis
cédé seulement la moitié de ce qu’ils auraient dû nous donner.
    Le jeune homme haussa les sourcils. Puis, sur
son visage passa un air de défi qui, déjà, appelait tous les triomphes.
    — Les Libyens vont-ils prendre la mer ?
    — Peut-être. Ces peuplades de l’extrême-nord,
perdues en plein océan, s’aventurent de plus en plus dans le delta.
    — Peuvent-elles descendre plus bas ?
    Il eut un rire franchement gai.
    — Nous les arrêterions de suite.
    — Amennheb dit que ce sont des peuples
très évolués, des marins aventureux qui ne craignent ni la mer ni la terre.
    Satiah écoutait toujours attentivement les propos
de son compagnon. Voilà encore un avantage qu’elle cultivait et qu’elle gardait
jalousement, celui qui s’opposait au désintéressement de Mérytrê pour les
questions politiques et guerrières.
    Satiah avait trop partagé l’enfance et l’adolescence
de Thoutmosis et de ses compagnons pour ne pas connaître leurs principales
préoccupations et comme elle avait le sens de l’opportunité et de la
diplomatie, des qualités qui avaient tant servi

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