L'Ombre du Prince
l’enfant ?
— Que c’était Antef qui lui avait demandé
de voler le papyrus.
— Cet enfant est le plus menteur que je
connaisse ! jura l’intendant du harem.
Djéhouty s’essuya le front. Des yeux, il fit
le tour de la salle et vit que le nain Memphès se rapetissait davantage comme
pour se rendre invisible. Nekmin se mordait nerveusement les lèvres, mais ne
disait rien et Menkeper, l’architecte du général des armées de Thoutmosis,
crispait tant les mains que les articulations de ses phalanges blanchissaient.
Trois heures entières s’étaient écoulées
depuis le début de la séance. Djéhouty ramena son regard sur l’assemblée et
frappa la table à l’aide d’un petit marteau en bronze.
— Nous reprendrons demain le débat.
*
* *
Rekmirê se laissa faire docilement. Thoutmosis
prenait sa main et la dirigeait, tranquille et sûre, le long des rênes qui
retenaient Rude et Brave, les deux pur-sang arabes du jeune roi.
— Parfait. Parfait. Tu disposes d’une
main de maître.
— Apprends-moi à faire un tour complet.
Thoutmosis sourit. Il se tourna et regarda Satiah
qui, à l’arrière du char, rêvait silencieusement. Elle avait laissé la place à
son jeune frère pour qu’il apprenne à maîtriser les chevaux en pleine course.
— Alors, nous devons retourner en plein
désert. Je vais te montrer comment placer le cheval qui doit se mouvoir sur
lui-même et comment guider l’autre qui doit effectuer le grand tour.
Rekmirê se sentait si fier de conduire l’attelage
de Thoutmosis qu’il fit à lui seul une envolée légère qui stimula les chevaux
et les fit promptement prendre le galop.
Puis, tirant d’un coup sec, il les ramena au
milieu de la route afin que la ligne tracée par les roues du char soit droite
et bien centrée.
Thoutmosis se félicita d’avoir pris lui-même
en main l’éducation sportive de l’adolescent. Rekmirê avait toutes les
dispositions pour devenir un grand maître de la charrerie royale. S’il tirait à
l’arc comme il semblait vouloir conduire les chevaux, toutes les possibilités
lui seraient acquises.
À douze ans, il s’y prenait mieux encore que
ses propres compagnons Amennheb, Amtou et Néférouben qui, dans l’art de la
maîtrise des chevaux et celle du tir à lare, n’avaient pas d’égaux si ce n’était
Thoutmosis lui-même.
— Tu es un vrai conducteur de char,
Rekmi, fit Satiah en frappant dans ses mains. Nous pourrions peut-être aller
sur les bords du Nil ? suggéra-t-elle en se glissant entre son frère et
Thoutmosis.
L’initiative de sa sœur combla Rekmirê d’aise,
car il venait de prendre seul l’attelage en main. Une telle aubaine pour
montrer ce dont il était capable ne pouvait que lui plaire.
Longeant quelque temps le bord du fleuve,
Thoutmosis et Satiah regardèrent les ajoncs serrés et les papyrus qui
dressaient leurs ombelles légères, se balançant harmonieusement au gré d’un
petit vent léger qui semblait stimuler Rude et Brave.
Les deux chevaux balayaient l’espace de leurs
crinières blanches. Leurs naseaux frémissaient et leurs queues battaient dans
un rythme parfait le haut de leurs cuisses musclées et puissantes, écartant
ainsi les quelques mouches ou insectes qui venaient les exciter.
Leur pelage était si lustré, si brillant que
le fauve sombre de la croupe et des reins – ils avaient le ventre et les
jarrets blancs – prenait des lueurs flamboyantes dans le soleil qui
dardait ses puissants rayons.
À présent, ils filaient à toute allure,
dévorant à pleins poumons l’espace, zébrant le sol poussiéreux et chaud de
leurs sabots nerveux, faisant claquer crinières et queues comme deux jeunes
fous qu’ils étaient. Rude et Brave n’avaient que deux ans d’âge et promettaient
d’atteindre une belle maturité entre les mains expertes et fidèles de leur
jeune maître.
Appréciant l’air qui sifflait maintenant à
leurs oreilles, soupesant à sa juste valeur le risque que l’adolescent leur
faisait prendre, Thoutmosis avait attiré la jeune fille contre lui.
Satiah était vêtue d’un pagne court et droit
dont les plis tombaient juste au-dessus de ses cuisses. Le corsage était ajusté
sous les seins et retenu sur les épaules par un léger lien de cuir. Pagne et corsage,
tissés dans le lin le plus fin d’Égypte, moulaient si bien son corps qu’on eût
dit qu’elle était nue.
Thoutmosis, grand, fort, bien bâti et la
taille superbement prise
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