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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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venait de jeter fit retourner
les deux hommes.
    Mais, par tous les dieux ! Qu’avaient
donc ces hommes à ne pas se presser davantage pour secourir le Grand Prêtre d’Amon ?
Pourquoi tardaient-ils à lui porter secours ?
    Enfin, celui qui n’était pas prêtre retourna
le corps du blessé. Malgré les yeux exorbités, la bouche ouverte et l’air
hagard que l’homme avait dû prendre juste avant la mort, Satiah reconnut
Hapouseneb, l’ami fidèle d’Hatchepsout et le compagnon de jeunesse de sa mère.
    Thoutmosis avait l’air ahuri et ne disait mot.
    — Regardez, ce bloc de pierre qui s’est
détaché du pylône, fit le prêtre au crâne rasé en désignant la roche aux arêtes
saillantes qui gisait non loin, il a dû passer au moment où il tombait.
    — Le crâne est fracassé net, fit l’autre
en passant sa main derrière la nuque du mort. Partez, Majesté. Rentrez de suite
au palais. Je suis médecin, vous le savez. Cet accident est de mon ressort.
    Seddy, le médecin ! Satiah le dévisagea
presque haineusement. Voilà pourquoi il lui plairait de voir son nez mutilé
laissant une ouverture béante sur son affreux visage, comme on le pratiquait
sur les prisonniers condamnés à l’exil pour avoir tué, violé ou pillé.
    Seddy ! Le médecin du palais qui désirait
tant l’expulsion de Neb-Amon pour être entré dans les grâces de la pharaonne.
Seddy, l’incapable, le voleur de vies humaines, le pourrisseur de la profession
médicale. Pourquoi était-il là, justement au moment où l’on découvrait le corps
du Grand Prêtre ?
    Satiah parlait rarement à sa mère des
intrigues du palais, mais se tenait au courant de tout. Elle comprit qu’un étau
se resserrait inexorablement sur la vie d’Hatchepsout et de tous ceux qui lui
restaient fidèles, aussi ne fut-elle pas surprise quand elle entendit Seddy
prononcer à voix basse :
    — Nous allons pratiquer de suite l’embaumement
du corps et sa momification.

 
CHAPITRE X
    — Non ! Satiah, récite ce texte plus
naturellement. Tu es la reine incontestée de cette pièce et ta servante est à
tes genoux.
    La jeune fille acquiesça.
    — Oh ! Isis, n’es-tu donc pas
mortelle pour venir ici-bas me jeter les fleurs de la gloire ? récita-t-elle avec plus d’enthousiasme.
    — Mieux, fit Séchât. Mieux. Allonge tes
jambes complètement quand tu dis cela et lève les yeux au ciel.
    Baki arriva et se prosterna devant Satiah.
    — Maîtresse bien-aimée, fit-elle en se relevant avec grâce. La déesse hante vos nuits, mais
les jours se suivent et attendent vos ordres.
    — Non, Baki. Tu restes prosternée plus
longtemps devant ta reine. Sinon cela fait « amie » et non « servante ».
Recommence.
    — Maîtresse bien-aimée, reprit Baki en restant le corps ployé devant Satiah. La déesse
hante vos nuits, mais les jours se suivent et attendent vos ordres.
    — Des ordres, dis-tu ! Quels
ordres ?
    Satiah se leva et vint vers sa mère.
    — Maman, je ne pourrai pas m’y faire, c’est
Méryet qui devait jouer le rôle de la déesse.
    — Ma chérie, Méryet n’est plus là pour
guider ton jeu et nous avons supprimé sa présence par une image irréelle qui
flotte au-dessus de ta tête. Tu étais d’accord pour t’adresser au ciel plutôt
qu’à une comédienne qui aurait pris sa place.
    La jeune fille soupira. D’un geste amical,
Baki entoura de son bras les menues épaules de son amie.
    — Sois plus lointaine, plus distante.
Prends de la réserve et du recul.
    — Baki a raison. Tu joues avec trop d’énergie.
Éteins-la quand tu parles à la servante, mais fais-la resurgir dès que tu t’adresses
à la déesse.
    Satiah retourna s’allonger.
    — Des ordres, dis-tu ! Quels
ordres !
    — Ceux que vous devez donner à votre
royaume, Majesté.
    Le fils du Grand Djéhouty entra, tenant Thot,
son macaque africain par la main.
    — Laisse ton animal dehors , cria la servante.
    — Non, non ,
fit la reine en élevant ses bras. Ce petit singe m’amuse. Viens près de moi,
mon conseiller fidèle et raconte ce que dit le royaume.
    Séchât leva la main.
    — Djéhouty, fit-elle contrariée, si ton
singe ne nous invente pas une de ses facéties à ce moment bien précis, l’effet
de la scène est ratée.
    Le jeune garçon tenait son écritoire et son calame
à la main.
    — D’ordinaire, il me l’arrache et se met
à gribouiller de grands traits rageurs, puis il se sert du calame pour
épouiller sa tête.
    — Et

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