L'Ombre du Prince
du
temple.
— Allons, soyons sérieux, jeta le vieil
intendant du harem en se levant précipitamment. Ce n’est un secret pour
personne qu’en ma qualité de vieil ami du Grand Prêtre Sétoui, le prédécesseur
d’Hapouseneb, mort il y a quinze ans, je vienne discuter avec celui qui fut son
fidèle serviteur, Memphès.
Le nain s’était rassis et attendait que l’assemblée
approuve une telle certitude. Néhésy reprit la parole.
— Je n’ai lu que le premier rapport de
séance. Mais, juste avant l’ouverture de l’audience, un coursier s’est présenté
et m’a remis un document. Si vous le permettez, Grand Juge Suprême, je lirai à
voix haute le second rapport.
— Je vous en prie, fit Djéhouty. Nous attendons.
Néhésy faisait face au tribunal. Il déroula le
papyrus et lut d’un ton haut et bien timbré.
« Moi, Aména, épouse du Grand Djéhouty,
Premier Juge Suprême qui préside cette séance du tribunal de Grande Instance, j’affirme
qu’Antef utilisait mon jeune fils à des fins suffisamment troubles pour qu’elles
soient enfin mises à jour. »
La surprise les jeta tous dans une intense perplexité.
Un silence pesant s’ensuivit, si lourd qu’aucun autre sujet à part l’époux en
question ne put rompre.
— Où est ma femme ? dit-il posément.
— Elle arrive, jeta la voix atone du
Premier Greffier.
Sur son banc des accusées, Amenhotep eut un
regard chaud et reconnaissant envers sa compagne de jeunesse, la seule amie
qui, peut-être, lui restait.
Aména avança sans qu’on eut besoin de la pousser.
— Pardonne-moi, fit-elle devant son époux
qui la regardait d’un œil un peu froid, craignant que la révélation de sa femme
jetât un discrédit sur son image irréprochable.
— Quelle lumière veux-tu donc apporter à
ce procès ?
— Il fallait que je dise au tribunal ce
qui me trouble.
— Parle.
— Un jour, Antef, l’intendant du harem et
Memphès, le nain, ont fait venir au temple mon fils, le tien aussi Grand Djéhouty
puisque je suis ton épouse.
Ce fut Pouyemrê qui ne put s’empêcher de
questionner :
— Dans quel but ?
— Dans celui de surveiller l’un des murs
de l’enceinte qui contourne le côté ouest de la nécropole. Là où il présente
une surélévation que des pierres mal jointes rendent dangereuse.
— Va-t-on croire un enfant de huit ans ?
jeta la voix fielleuse du nain.
Aména se rebiffa :
— Le tribunal oublierait-il que je
connais parfaitement chaque parcelle du temple d’Amon, de son enceinte, de ses
jardins, de ses nécropoles et de ses sanctuaires pour y avoir passé mon
enfance, mon adolescence et une partie de ma jeunesse en tant que musicienne
sacrée ?
Elle s’arrêta et regarda le vieil Antef.
— Le tribunal oublierait-il que, durant
seize longues années, j’ai été musicienne du dieu Amon ?
— Qu’avez-vous à dire ? questionna
Pouyemrê.
— Qu’un jour, ces deux hommes ont fait
venir mon fils pour qu’il surveille le mur d’enceinte. Je n’en sais pas plus. J’ajouterai
seulement que le médecin Neb-Amon rentrait chez lui, ce matin-là, et que l’enfant
a pris peur en le voyant. Il est tombé et s’est heurté violemment la tête
contre le sol.
— Tout est exact, fit le médecin en
venant se placer aux côtés d’Aména. J’ai soigné le garçonnet qui avait subi un
traumatisme crânien et s’était cassé le fémur de la jambe gauche.
— Et qu’a prétexté l’enfant ?
— Qu’il devait aller prévenir Memphès de
l’arrivée d’un passant trop curieux.
— Cet enfant a menti, fit Antef.
— Il n’a pas menti, assura une voix dans
le banc des spectateurs.
Séchât s’était levée.
— Cette femme n’est pas témoin. Qu’elle
se taise, s’écria Antef rouge de colère.
— Au contraire, qu’elle parle ! dit
Neb-Amon.
Froidement, le juge acquiesça.
— Comment t’appelles-tu ? Qui es-tu ?
questionna Djéhouty bien qu’il fût le seul, après Neb-Amon, à la connaître
aussi bien.
— Je suis Séchât, la Grande Intendante de
l’École du Palais de Thèbes.
— Qu’as-tu à dire ?
— Qu’un jour, dans ma classe, j’ai
surpris l’enfant d’Aména dérober l’un de mes documents qui représentait le
dessin des tombes de la nécropole de Karnak. Ce croquis que j’avais réalisé moi-même
devait me servir pour expliquer à mes élèves qui étaient les personnalités
enterrées au temple.
— Qu’a dit
Weitere Kostenlose Bücher