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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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tramaient sans cesse autour d’elle, l’empêchant de dormir
et de se nourrir convenablement, sa maigreur ne laissait plus de doute. À
présent, quand elle délaissait le lourd pectoral qui dissimulait son buste
devenu frêle et ses épaules creuses, ses fines robes de lin laissaient
entrevoir son corps affaibli. Aussi prenait-elle pour habitude de cacher sa
menue silhouette dans une ample tunique blanche dont les pans retombaient
souplement sur son corps.
    Ainsi vêtue, seul son visage portait les signes
de ses permanentes angoisses. Étirés à l’extrême par le savant maquillage, ses
yeux n’arrivaient pas à masquer les cernes profonds qui les soulignaient,
obstruant parfois la clarté de son regard. Le front qu’elle tenait toujours
haut et dégagé, mais qui, autrefois, était lisse et blanc, avait deux rides profondes
qui partaient à la dérive dans une chevelure que cachait une perruque coiffée
toute en hauteur.
    Son maquillage, peaufiné au-delà de toute
mesure excessive, venait rehausser le peu de vaillance qui restait encore en
elle. Elle se tenait près de sa fille, une main posée sur son front, l’autre
sur son épaule. Sentant la présence réconfortante de sa mère, la jeune femme se
crut autorisée à relâcher un peu sa réserve et se mit à gémir.
    — Est-ce pour bientôt ? questionna
la pharaonne en se tournant vers l’une des matrones qui s’était rapprochée, une
pile de linges blancs entre les mains.
    Plus carrée que les deux autres, mais plus
petite aussi, le teint assez sombre et la pupille noire, bien que son visage
parût le plus avenant des trois, Souti l’accoucheuse déclara :
    — Cela ne devrait plus tarder, Majesté.
Mais, à mon sens, il faut encore attendre une bonne heure.
    — Peut-être deux, rétorqua « La
Grande Génisse » en tâtant le ventre de l’accouchée au travers du drap de
lin.
    Mérytrê poussa un soupir las et résigné, puis
se remit à gémir.
    — Allons, ma fille, cet enfant va naître
dans un instant. Calmez-vous et songez à tous ces gens qui vous observent,
murmura-t-elle à l’oreille de Mérytrê.
    Elle regarda en direction de sa vieille
compagne Séchât, son amie d’enfance qui l’avait toujours soutenue et la trouva
trop éloignée d’elle.
    — Viens, Séchât. Approche-toi. Nous
allons accueillir ensemble le futur pharaon que ma fille va mettre au monde.
    — À moins que ce ne soit une fille,
Majesté ! ne put s’empêcher de rétorquer Séchât en s’avançant vers elle.
    Leurs deux regards se rencontrèrent et la
crainte qui s’échappa de l’une se transforma en doute chez l’autre.
    À nouveau, Hatchepsout regarda sa fille qui grimaçait
de douleur.
    — Vite ! s’écria-t-elle. L’enfant
menace de sortir.
    D’un geste sûr, « La Grande Génisse »
tâta le bas-ventre de la jeune femme et fit un signe négatif. Les contractions
arrivaient à un rythme encore trop faible et trop irrégulier.
    — Majesté ! Ce n’est pas encore pour
le moment, jeta-t-elle en s’écartant de la couche de Mérytrê.
    Hatchepsout soupira.
    — Où est Néférouben ? murmura-t-elle
à l’oreille de Séchât. Il devrait être aux côtés des médecins et je ne l’ai pas
vu.
    Séchât hocha la tête et eut un geste d’ignorance.
L’absence du Sommelier Royal n’en avait pas inquiété d’autres, puisqu’il
manquait encore Djéhouty, Pouyemrê et Néhésy. Pourtant, elles jetèrent un bref
coup d’œil sur Nebetta qui, dans un angle de la chambre, se tenait à présent le
ventre à deux mains.
    Séchât décida de percer l’énigme de cette
affaire.
    — Est-elle souffrante ? fit-elle en
la désignant du doigt.
    — Que les dieux d’Amon nous préservent d’une
telle éventualité ! grogna Leïla, la troisième accoucheuse qui commandait
à une servante de rallumer un brasero éteint.
    — Si la Grande Nourrice Royale se prend à
présent pour la future accouchée, reprit à son tour Souti, la seconde
sage-femme, nous ne sommes pas sorties d’affaire.
    Le ton était assez ironique et montrait la banalité
de l’incident. D’ailleurs, « La Grande Génisse » se plut à reprendre
d’une voix non moins gouailleuse :
    — Majesté ! Permettez-lui de sortir
si elle ne peut supporter la vue d’un accouchement.
    La pharaonne eut un geste agacé.
    — Où est Néférouben ?
questionna-t-elle sèchement.
    — Personne ne l’a vu, Majesté, répondit
Baki, sa suivante.
    L’assemblée se tourna

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