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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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vers Hatchepsout et vit qu’elle aspirait discrètement une grande
bouffée d’air.
    Dans quelques secondes, les dignitaires les
plus récalcitrants envers cette femme-pharaon qu’ils considéraient comme une
usurpatrice auraient définitivement perdu la partie.
    Ils ravaleraient leurs propos acerbes,
ramenant la position du jeune prince Thoutmosis à son véritable rang, celui du
bâtard de feu le pharaon précédent. Un prince, certes, mais qui resterait un
sujet sous la domination d’Hatchepsout puisqu’elle seule détenait le lien
suprême qui la retenait aux dieux. Hatchepsout abaissa ses mains et leva le visage.
    — Peuple d’Égypte ! dit-elle à voix
forte. Je vous rapporte ce qu’aucun pharaon de notre dynastie ne vous a jamais
ramené. Les parfums indispensables à nos dieux. Ceux dont ils avaient besoin
pour qu’ils protègent notre pays, le fassent vivre et prospérer, l’écartent des
épidémies, des famines et divers fléaux qui peuvent anéantir notre peuple.
    Un silence prodigieux s’était fait. Musiciens,
chanteurs et porteurs d’offrandes étaient serrés les uns contre les autres,
barrant de leurs corps anguleux recouverts de longues tuniques impeccablement
blanches, une foule muette et observatrice.
    Tous les revenants de l’expédition se tenaient
là, attentifs et immobiles, scrutant de leurs yeux de félins les prêtres qui
attendaient le déroulement des discours et des fêtes. Senenmout, le Grand
Architecte, encadré par Néhésy, Chef des Polices et Thouty, armateur de la
flotte royale, observait l’assemblée avec condescendance. Sur la foule flottait
une béate admiration qui lui parut un heureux présage.
    Sakmet, le petit scribe ambitieux que la réussite
de l’expédition allait faire monter en grade, oubliait déjà les amours déçues
qu’il avait entretenues quelque temps avec Séchât toujours avant que celle-ci
ne rencontre Neb-Amon [2] .
Et, pour l’instant, Sakmet pensait plus à son nouveau titre qu’aux bienfaits qu’il
retirait entre les bras d’une femme.
    Séchât, la Grande Intendante des Artisans, partie
sur le vaisseau à la demande d’Hatchepsout, et Neb-Amon, le médecin qu’avait
réclamé la pharaonne, restaient figés dans une attitude imperturbable, laissant
leur cœur battre à l’unisson et leurs regards se croiser.
    Les quelques dignitaires, restés aux postes de
commandement du pays depuis presque trois années, semblaient tous se poser la
question fatale qu’autorisait en ce cas toute longue absence royale : « N’y
a-t-il pas eu lèse-majesté ? »
    Mais, d’une voix ferme et assurée, la reine
poursuivit, balayant doutes et scrupules :
    — Le pays que je retrouve est sain, grand
et prospère. Je referai ce voyage et je laisserai à nouveau l’Égypte entre les
mains de ceux qui l’ont si bien gouvernée.
    Senenmout dirigea un regard désapprobateur
vers Hatchepsout. Il exécrait les moments où sa reine distribuait des éloges à
d’autres qu’à lui. N’était-il pas le seul à pouvoir endosser les louanges qu’il
méritait d’ailleurs ?
    Hatchepsout le regarda, mais ne lui décocha
aucun sourire. L’heure n’était pas aux attendrissements qu’attendait son fidèle
conseiller dans un regard ambigu.
    Elle reporta à nouveau ses yeux sur la foule.
    — Outre les parfums et les encens pour
nos dieux, affirma-t-elle, je rapporte des bois précieux, de l’ivoire, de la
nacre, des fourrures, des peaux, de l’or d’Afrique et des animaux jamais vus en
Égypte. Tout un commerce nouveau va grandir, prospérer, se tourner vers d’autres
frontières et notre pays sera riche.
    Quand la foule se mit à l’ovationner, elle la
quitta du regard et se retourna vers les dignitaires.
    — Peuple d’Égypte, je t’ai ouvert une
voie de commerce à la fois pacifique et génératrice de multiples bienfaits dont
tu apprécieras les avantages.
     
    *
    * *
     
    Les yeux de Séchât étaient embués de larmes.
Tremblante, elle tenait Satiah entre ses bras. À présent, sa fille était
presque une adolescente.
    Grande, vive, l’œil alerte et le mot facile,
Satiah souriait. Se remémorant cette mère qui, en partant au Pays du Pount, l’avait
laissée au harem du palais, en compagnie des princesses et des nobles fillettes
de la cour, Satiah ne semblait pas lui en tenir rigueur.
    Ses prunelles rieuses fixaient celles de
Séchât avec une candeur toute simple et sa bouche s’étirait en un plaisant
sourire que la jeune femme

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