L'Ombre du Prince
folâtraient au-dessus de leurs corolles à demi fermées. Elles le
côtoyèrent tout en observant les fines nervures qui venaient en rider la
surface. Car un léger vent flottait dans l’espace, annonçant un khamsin qui
pouvait se lever dans la nuit.
— Tu ne dois plus recommencer un tel
défi, Méryet. À moins que ce ne soit un combat intérieur. Certes, tu es libre d’aimer
le Grand Prêtre. De plus, Amenhotep n’a pas donné d’enfant à son époux et, pour
conserver sa lignée héréditaire, Hapouseneb peut prendre une autre femme.
— Et si cette femme m’attaque ?
Séchât hocha la tête.
— Bien sûr. Alors défends-toi.
Elle lâcha la main de la jeune fille et courut
à l’étang qui bordait l’arrière de sa maison.
— Viens te baigner. Cela nous fera grand
bien. Puis, nous ferons le tour du lac en barque.
Séchât ôta son pagne. Nue, elle plongea jusqu’aux
épaules et frissonna de bien-être. L’eau calmait son corps réchauffé par le
soleil. Elle nageait lentement, laissant ses esprits dévier sur la fatalité des
choses, acceptant la vie et savourant chaque bienfait qu’elle apporte. Mais,
quand elle vit Méryet s’approcher, toutes ses énergies combatives revinrent.
Elles nagèrent quelques instants en silence.
Quand elles eurent rejoint le bord opposé, elles firent un demi-tour et
revinrent à leur point de départ.
Méryet nageait plus rapidement que sa compagne.
Elle allongeait lentement les bras. Chaque brassée la poussait en avant et la
détente brusque de ses jambes achevait sa performance. Quand elles furent
arrivées là où elles avaient déposé leurs vêtements, elles sortirent de l’eau
telles deux ondines fraîches et reposées.
Le vent s’était levé davantage et les ombrages
des tamaris et des tilleuls qui bordaient l’étang commençaient à diffuser une
fraîcheur agréable.
Séchât regarda sa compagne. Ciel !
Comment le Grand Prêtre pouvait-il ne pas succomber à sa beauté ? Méryet
était un modèle irréprochable de formes et d’attitudes. Pas un défaut ne venait
perturber la perfection des traits de son visage, des lignes de son corps, du
velouté de ses yeux et du charme de son sourire.
— Aimerais-tu vraiment que nous montions
un spectacle ? dit-elle en secouant ses cheveux mouillés qui tombaient au
ras de ses épaules.
— Je crois que oui.
— Alors, nous allons créer un thème qui
fasse réfléchir les conseillers intimes d’Hatchepsout et les fidèles de
Thoutmosis.
— Dans quel but ? s’étonna Méryet.
— Celui d’attirer l’attention sur
certains personnages. Pour cela, j’ai besoin de toi, Méryet. Si la pièce est
bien jouée, tu ressortiras grandie de ce théâtre.
— Pourquoi moi ? s’enquit la jeune
fille en enfilant sa tunique.
Son corps ruisselait, mais elle se plut à
sentir le fin tissage s’imprégner de la fraîcheur de l’eau.
— Pas seulement toi. Je pousserai aussi
les qualités et la grandeur que peuvent requérir une Seconde Épouse. De cette
pièce, ma fille et toi serez les éléments essentiels.
*
* *
Satiah arrivait à grands cris, sautant, lançant
ses deux bras dans l’espace comme si elle voulait les disperser dans le vent
qui soulevait de minuscules vaguelettes sur l’étang.
— Maman, te voilà. Qu’as-tu fait ?
Il faut que je parte. Vas-tu manger avec Méryet ? Est-ce que je peux
prendre ton ombelle en plumes d’autruche ?
Sous ce déluge de questions, Séchât ne sut que
répondre. Elle s’attarda pourtant sur la première de ses interrogations.
— Pourquoi dois-tu partir ? Ne te
reposes-tu pas avant ton cours du soir ?
— Non, maman, nous allons sur le Nil, près
de l’île aux cormorans. Néférouben dit qu’une colonie de sarcelles vient de s’installer
dans un fourré de papyrus. Thouty et lui ont posé des pièges pour les capturer.
— Mais, Satiah, tu es seule avec
Thoutmosis et Néférouben !
— Mais non, maman, Baki est avec nous.
— Je veux que Cachou aille avec toi.
Satiah soupira.
— De quoi as-tu peur, maman ? Je ne
suis plus une enfant.
— Tu es bien jeune encore, rétorqua
Séchât un peu sèchement.
Satiah se mit à rire, puis vint embrasser la
joue de sa mère.
— Allons, maman. Ne sortais-tu pas aussi
étant jeune ?
— Certainement pas, protesta Séchât.
Mais la jeune femme eut aussitôt honte de sa
répartie. Combien de fois s’était-elle esquivée avec son compagnon d’enfance
Menkh
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