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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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Antef
veut frapper fort. Il cherche à le déstabiliser par des récidives qui lui
feront perdre sa place.
    Hatchepsout regarda durement sa compagne.
    — Que veux-tu dire ?
    — Il a volé un plan des nécropoles de
Thèbes que j’avais dessiné pour préparer un cours à mes élèves. Lorsque les
vols du temple seront en nombre suffisant pour suspecter Hapouseneb, ils
nommeront Nekmin à la tête d’Amon.
    — Merci de m’en parler, Séchât. Je vais
avertir Hapouseneb.
    — Majesté, c’est la garde de vos
appartements privés qu’il faut renforcer, pas celle du palais. Trop d’inconnus
à la solde de Thoutmosis ont droit d’entrée.
    Hatchepsout acquiesça.
    — Autre chose, Majesté.
    La reine haussa le sourcil.
    — Faites goûter tous vos plats par vos servantes.
Pas un seul mets, pas une seule coupe ne doivent approcher vos lèvres avant qu’ils
n’aient été effleurés par quelqu’un de votre entourage.
    — Que puis-je faire d’autre ?
soupira Hatchepsout.
    Elle replia ses jambes sous elle.
    — Allons, parle-moi du petit Rekmirê.
    — Il grandit, Majesté. Dans un an, il
pourra entrer dans ma classe.
    — Que le temps passe ! Voilà seize
ans que je suis au pouvoir et deux ans que je le partage avec Thoutmosis. Mais,
par le dieu de Seth ! Je n’abdiquerai jamais en faveur de mon neveu.
Jamais.
     
    *
    * *
     
    Le petit Rekmirê grandissait en effet au sein
d’une famille tranquille que, seule, Satiah venait perturber de temps à autre
par l’instabilité de son caractère avec ses caprices et ses colères.
    Le fils de Séchât et de Neb-Amon était un
enfant agréable, réfléchi, calme. Il posait de grands yeux bruns – ceux de
son père – sur les adultes et cherchait à déceler le pourquoi de chaque
chose.
    Pour l’instant, une tresse descendait sur son
épaule et nul habit ne venait encore recouvrir son corps d’enfant. Dans un an,
ayant atteint l’âge de suivre sa première année d’école, on la lui couperait et
on lui nouerait une ceinture autour des hanches pour cacher sa virilité
naissante.
    — Cachou ! Cet enfant n’a pas les
mains propres, s’étonna Séchât en regardant les doigts de son fils, noircis d’encre.
    — Il vient de dessiner, maîtresse, alors
que je venais juste de le laver pour passer à table.
    — Qu as-tu dessiné ? fit Neb-Amon en
regardant son fils.
    — Des choses, fit l’enfant, dont l’œil s’allumait
déjà de plaisir.
    — Va me les chercher.
    Enthousiasmé à l’idée que l’on prenne ses dessins
au sérieux, l’enfant courut jusqu’à la terrasse où il entassait ses jouets.
Petits chevaux de bois montés sur roulettes, souris à queue amovible, crocodile
à mâchoire articulée, toupies, balles de diverses couleurs jonchaient le sol.
    L’enfant s’accroupit, ramassa deux ostracas –
morceaux de calcaires sur lesquels s’exerçaient en principe les élèves avant d’utiliser
le papyrus – et les enferma soigneusement entre ses mains.
    La mine joyeuse, il les tendit à son père.
    — Quand as-tu fait ça ? s’exclama-t-il.
    — Tout de suite, répliqua l’enfant en
regardant ses mains tachées de noir.
    Neb-Amon tendit les ostracas à Séchât.
    — C’est étonnant, fit celle-ci. Je pense
que Satiah a dû l’aider.
    — Je ne l’aide jamais, affirma la jeune
fille. Rekmirê veut toujours dessiner seul. Regardez l’autre, ce ne sont pas
des dessins. Ce sont des chiffres.
    — Montre.
    Satiah observa les signes. Ils étaient grands
et habilement dessinés.
    — Où as-tu pris le modèle ? fit-elle
en entourant les épaules de l’enfant.
    — Je ne sais plus. Je les ai vus un jour
quelque part.
    — Il a une mémoire étonnante, déclara
Séchât satisfaite que son fils présentât déjà des signes prometteurs pour les
études. Allons ! Il est temps de manger à présent. Votre père doit partir
tôt à l’hôpital.
    La pièce où la famille prenait ses repas était
spacieuse, éclairée par le soleil couchant. Satiah et Rekmirê s’installèrent
devant une petite table basse, laissant la plus grande pour leurs parents qui
réclamèrent aussitôt les plats que Cachou et Maâthor s’empressèrent de leur
apporter.
    Il était rare que la famille de Neb-Amon soit
au complet. Aussi, pour fêter cette occasion, les mets abondaient.
    Concombres, fèves bouillies additionnées de
miel, laitues, oignons, foies de bœuf marinés dans l’huile et la coriandre,
petits morceaux de pigeons

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