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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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sans
forces, les os saillants tant son corps s’était vidé, avec une fièvre qui commençait
à attaquer ses esprits engourdis. Déjà, le matin où Neb-Amon lui avait
administré oxymel, mellite et aloès, l’enfant n’avait pas reconnu son père.
    Par l’intermédiaire de Nedjar, il avait fait
prévenir Hatchepsout qu’il était de retour à Thèbes. Cependant, il décida de
veiller son fils durant deux ou trois jours, le temps qu’il soit sorti de cet
état critique. Si, du moins, il devait en sortir.
    Le refus de la reine à cette requête le
plongea dans une colère froide contraire à son tempérament. Néanmoins, il dut
suivre le coursier royal pour se courber devant elle, les yeux rivés aux siens,
l’esprit secoué de tumultes qu’il aurait voulu déballer là, près de ses pieds
chaussés d’or, comme un paquet de linges souillés.
    Certes, jamais encore, le médecin n’avait
senti bouillir en lui une aussi violente rébellion. Lui refuser de soigner son
fils qui pouvait mourir d’une seconde à l’autre ! Il fallait être le dieu
lui-même pour exiger une telle mesure. Depuis l’aube, Neb-Amon rejetait toutes
les croyances de l’Égypte, tous les dieux contraignants et cruels pour ne
croire qu’en sa merveilleuse médecine, celle qui apaisait son peuple et l’humanité
entière, celle qui sauverait son fils.
    C’est dans une rage froide et contenue qu’il
se présenta devant Hatchepsout, ressassant les menaces qu’il se proposait de
jeter à sa face quitte à être expulsé, banni du royaume, de l’Égypte même. Sa
trousse en mains, Neb-Amon savait qu’il pouvait frapper à n’importe quelle
porte, fût-ce celle d’un pays étranger.
    Il fit un salut assez sec, repoussant d’un
geste nerveux les deux servantes qui obstruaient son passage. Puis surpris, il
la regarda. Hatchepsout était assise non sur le grand fauteuil qui lui servait
de trône lorsqu’elle recevait en privé dans ses propres appartements, mais sur
un coussin à même le sol, en scribe, mains posées à plat sur ses genoux.
    Et, quand il vit la détresse dans ses yeux,
toute sa hargne disparut.
    — Majesté, ne put-il s’empêcher de dire,
vous m’avez demandé un gros effort, mon fils est sur le point de mourir.
    — Je sais Neb-Amon, répondit-elle d’un
air las. Autrefois, ma fille aînée aussi est morte. Et Yaskat, ma compagne, ma
fidèle servante est décédée la semaine dernière, enfermée lâchement comme une
prisonnière, là où Mekyet et Seddy relèguent les contaminées du harem. Elles
sont plus de cinquante femmes à mourir les unes après les autres sans que ces
deux charlatans ne fassent quelque chose, et l’on dit qu’une dizaine d’enfants
s’y ajoutent. Et sais-tu que les gens de Thèbes affamés, gémissants, mourants,
sont arrivés ici par centaines ? C’étaient les survivants de la ville, du
moins ceux qui, par fierté, ne s’étaient pas réfugiés au temple de Karnak pour
y être nourris par les prêtres. Je les ai accueillis, alimentés, soignés. Les
plus solides vont bientôt repartir, les autres vont rester jusqu’à ce que la
crue arrive et que les poissons repeuplent le Nil. Mais il y a beaucoup de
femmes et d’enfants qui souffrent malgré le pain que je leur donne.
    — Je vais immédiatement les transférer
dans mon hôpital. Ces femmes et ces enfants seront soignés avec le remède que j’ai
mis au point.
    Il hésita.
    — Majesté ! Vous n’avez pas
mentionné le médecin Pénith !
    — Pénith est mort. Non de l’épidémie,
mais du cœur.
    Elle haussa tristement les épaules.
    — C’est du moins ce que disent les deux
autres. Mais, bah ! Cela m’est égal. Qu’il soit mort du cœur, de l’estomac,
des intestins, ou que cela soit plus trouble encore. Ce sont des incapables et
si je les garde au palais, c’est parce que toute la corporation médicale de
Thèbes, celle qui te jalouse, Neb-Amon, m’incriminerait. Et je suis déjà bien
mal engagée…
    — Majesté !
    — Oui, Neb-Amon. Je suis mal engagée et l’absence
de la crue alourdit mon discrédit. Le peuple n’a plus foi en moi, le temple
réclame un autre pharaon. Si je t’ai fait venir de Bouhen, c’est bien sûr pour
que tu soignes tous nos Thébains qui meurent chaque jour davantage. Les corps
jonchent les rues, les bords du Nil, les jardins. Le Grand Prêtre a ouvert un
asile pour ceux qui tombent aux alentours du temple. Mais, c’est insuffisant,
Hapouseneb n’a pas le

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