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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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intense, tout
protocole avait disparu. La servante en oublia de se prosterner devant
Hatchepsout.
    — Comment va Yaskat ? demanda la
reine.
    — Elle refuse de parler aux autres
femmes, elle ne les touche pas et elle reste éloignée d’elles, s’avançant juste
pour prendre son bol de nourriture et sa jatte d’eau.
    — Elle a raison, elle n’est peut-être pas
contaminée. Que disent les médecins ?
    — Je ne les ai pas vus, Majesté. Dès qu’ils
sortent du pavillon, ils rentrent dans leur famille. Personne n’ose aller
là-bas sans risquer leur colère.
    — Ont-ils donc peur à ce point ?
    — Oui, Majesté, répondit la jeune fille.
    — Sais-tu comment les symptômes de ce mal
commencent ?
    — Les médecins disent qu’une violente diarrhée
empoigne les ventres et que les corps se vident peu à peu et, comme il n’y a
plus de nourriture pour les remplir, le malade meurt.
    Mérytrê fit la grimace et Hatchepsout grignota
quelques figues.
    — Que voulais-tu me dire, Aïcha ?
    — Que le coursier en direction de Bouhen était
parti, Majesté.
     
    *
    * *
     
    Bouhen avait été préservée jusqu’ici, grâce à
ses abondants greniers à blé et aux produits du fermage. À bout de ressources à
présent, la disette commençait à toucher le village et les morts à se compter.
    Les plus affamés venaient frapper à la porte
de Séchât, qui leur tendait aussitôt du pain et des fruits séchés. Si la famine
engendrait les premiers cadavres, un mal étrange, venu d’on ne sait où,
multipliait les autres. Pourtant, l’épidémie semblait s’arrêter à Soleb, là où
Thoutmosis était parti rejoindre son armée accompagné de ses deux capitaines.
    Satiah fut touchée la première. Elle avait soudain
éprouvé de violentes coliques la laissant anéantie, au bord de la crise de
larmes.
    Son état empirait. Elle maigrissait à vue d’œil,
dormait sans plus s’éveiller et lorsque Maâthor fut, elle aussi, prise de
crispations dans le ventre, Neb-Amon comprit qu’une fièvre dysentérique allait
ravager le pays.
    Il s’attela donc au chevet des deux malades,
les refoulant dans une pièce éloignée, afin qu’elles ne contaminassent pas les
autres. Il veillait Satiah jour et nuit, refusant que sa mère et son frère
vinssent la voir.
    Les coliques étaient violentes et la fièvre s’emparait
des malades comme un rongeur vient, petit à petit, grignoter ce qui reste d’un
morceau de choix.
    Quelques jours plus tard, l’un des jardiniers
fut atteint des mêmes symptômes, puis le chef-cuisinier de Bouhen et deux
lingères affectées au service de Séchât. Leurs corps se vidaient et devenaient
aussi maigres qu’un bâton noueux que l’on jette faute de pouvoir servir.
    Les premiers jours, Neb-Amon leur administra
de l’oxymel à forte dose pour tenter d’atténuer l’entérite qui rongeait leurs
ventres. Le cuisinier ne put supporter la dose et mourut dans la nuit. Maâthor
supportait le traitement, mais Satiah était de plus en plus rongée par la
fièvre.
    Comme les malades vomissaient la moindre
parcelle de nourriture ou la moindre gorgée d’eau, Neb-Amon s’efforçait de
trouver un remède pour que les corps ne se déshydratent pas.
    Deux jours plus tard, une des jeunes lingères
mourut, emportée par la fièvre qui s’était subitement levée dans la nuit et que
Neb-Amon ne put maîtriser. Il eut peur soudain pour la fille de Séchât. S’il ne
réussissait pas à la sauver, que penserait-elle de la valeur de ses capacités
médicales ? Et comment pourrait-il atténuer la douleur qu’elle
ressentirait ? Rien ni personne ne remplacerait sa fille.
    Il fit alors appel à toute la science qui sommeillait
au fin fond de son esprit, se remémora les bienfaits de certaines plantes qu’il
n’avait pas encore eu l’occasion de mélanger et prépara une décoction de
mellite, d’opium et d’aloès. Mais pour que ses malades ne puissent la rejeter,
il en imbiba une éponge et la pressa entre leurs lèvres.
    Mais le médecin restait pessimiste. Il savait
que la combinaison de diarrhées, de vomissements et de fièvre entraînait bien
souvent la mort et que le sujet malade devait avoir une résistance à toute
épreuve pour résister à ce triple handicap.
    Maâthor semblait s’en tirer, la fièvre ne l’avait
pas atteinte. La petite lingère, qui avait survécu à sa compagne, paraissait
aussi s’en sortir. Maigre, mais résistante, elle regardait avec effroi la

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