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L'Ombre du Prince

L'Ombre du Prince

Titel: L'Ombre du Prince Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jocelyne Godard
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son visage et, seuls, ses yeux en amande maquillés de
khôl brillaient, ressortant étrangement de sa silhouette blanche.
    — Grand Neb-Amon, dit-il en se
prosternant, mais en prenant soin de ne pas laisser tomber de son visage le
drap protecteur, notre Grand Prêtre te réclame.
    — Y a-t-il urgence ?
    — La danseuse Méryet est en train d’accoucher
et les choses semblent se compliquer.
    — Est-elle touchée par l’épidémie ?
    Le prêtre roula effroyablement des yeux et
inclina la tête.
    — Est-elle arrivée à son terme ? s’enquit
encore Neb-Amon en cachant la surprise qu’il ne voulait pas montrer.
    — Je l’ignore, fit le prêtre gêné par la
question du médecin.
    Méryet ! La jeune danseuse ramassée et
protégée par la pharaonne. Méryet ! Cueillie toute verte encore par
Hatchepsout sur une place de Memphis, alors qu’elle dansait pour le peuple.
Soutenue, défendue par la reine. Enfin, Méryet, l’adolescente qui rêvait de
danser au temple plutôt que de servir d’appât à de grossiers spectateurs toujours
prêts à porter leurs mains sur ses formes juvéniles et tentantes.
    Qui eût dit que, sur le navire partant au Pays
du Pount, là où, lui aussi, avait rencontré son épouse, la fillette serait un
jour enceinte du Grand Prêtre d’Amon ? Car c’était bien d’Hapouseneb que
la jeune fille était grosse.
    Les rumeurs allaient à vive allure au temple
et au harem. On murmurait au palais qu’elle s’était battue plusieurs fois avec
Amenhotep, la propre épouse du Grand Prêtre qui menaçait de la jeter dehors, de
l’expulser de Thèbes, d’Égypte même ou l’expédier, pourquoi pas, au pays d’Osiris.
Car depuis ce fameux retour du Pount, Amenhotep, qui ne pouvait avoir d’enfant,
devait se contenter d’un partage qu’elle ne pouvait tolérer. De ses belles
mains longues de musicienne, de ses doigts agiles de harpiste, elle aurait cent
fois voulu tuer Méryet.
    Certes, le médecin n’écoutait ces propos malveillants
que très distraitement, mais Séchât lui avait tant ressassé les amours de la
jeune danseuse à laquelle une affection totale et réciproque la liait, qu’il en
connaissait tous les détails.
    — Bien, fit-il en s’adressant au prêtre.
Je te suis.
    Il se tourna vers Nedjar et lui tendit une
petite fiole.
    — Termine mon travail jusqu’au port. Tu
feras respirer une petite pincée de cette poudre à tous ceux qui gémissent afin
de les aider à mourir décemment. As-tu bien compris ? Tu peux le faire, je
le sais.
    Le serviteur acquiesça et le médecin suivit à
grandes enjambées le prêtre dont la hâte à partir était visible.
    Contournant la ville par les voies les plus
accessibles, ils arrivèrent à la porte du premier pylône bâti sur un léger
promontoire qui découvrait la ville entière jusqu’au fleuve.
    Les jardins du temple étaient calcinés, rongés
par la sécheresse. D’affreuses racines filandreuses et brunâtres remplaçaient
les arbres verdoyants qui balançaient d’ordinaire leurs longues palmes jusqu’à
terre.
    Les bassins au dallage de marbre qui, habituellement,
regorgeaient de fraîcheur, laissaient stagner une eau glauque, fétide, noire, d’où
tout insecte avait depuis longtemps disparu. Brûlés aussi étaient les lotus aux
couleurs de pastel, les plants de papyrus, les ombelles aux teintes délicates
dont chaque pétale, chaque feuillage, chaque nervure était parti en poussière.
    La palmeraie qui, de cet emplacement, offrait
chaque jour aux yeux émerveillés ses rangées vertes de feuillages, dorée de
soleil et de fraîche atmosphère, s’étalait comme une pauvre et misérable
vieille femme courbée, ridée, édentée, prête à sombrer dans l’oubli et la mort.
    Neb-Amon et le prêtre, de plus en plus
inquiets, suivirent les allées bordées par les grands béliers de pierre qu’avait
fait poser la pharaonne l’année du début de son règne. Certes, elle n’avait
fait que poursuivre l’œuvre de son père, Thoutmosis, qui lui aussi en avait
fait placer une double rangée près des temples d’Hathor et d’Anubis.
    Neb-Amon leva les yeux sur l’obélisque dont la
pointe d’électrum agressait un ciel démesurément bleu. Il cligna des yeux,
observa quelque temps l’audace de sa structure et poursuivit sa marche à grands
pas jusqu’aux portes de la résidence du Grand Prêtre.
    Il fut surpris de voir qu’Hapouseneb en personne
l’attendait. Le médecin s’inclina bas, serrant

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