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L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
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s'essuya
la figure et le cou. Il s’approcha jusqu'à ce que son visage soit à quelques
centimètres à peine du mien et me fusilla du regard.
    – Tu ne valais pas cette rossée, moustique. Ça ne
concerne que ton ami : il joue toujours la mauvaise carte. La prochaine
fois, je le baiserai à fond, comme jamais, et je suis sûr que ça sera ta faute.
    Je crus qu'il allait me frapper, que mon tour était
venu. Étrangement, j'en fus content Je voulus croire que les coups me
guériraient de ma honte d'avoir été incapable de bouger le petit doigt pour
aider Fermín, de n'avoir rien fait d'autre qu'essayer de me
protéger, comme toujours.
    Mais
aucun coup ne vint. Juste le fouet de ces yeux débordants de mépris. Fumero se
borna à me tapoter la joue.
    –
T'inquiète pas, mon garçon. Je ne me salis pas la main sur
des lâches.
    Les deux
policiers émirent un ricanement obséquieux soulagés de voir que le spectacle
était terminé. Leur envie de
quitter la scène était tangible. Lorsque je pus me porter à son secours, Fermín luttait en
vain pour se
relever et retrouver les dents qu'il avait perdues dans l'eau sale de la
flaque. Sa bouche, son nez, ses oreilles et ses paupières saignaient. En me
voyant sain et sauf, il esquissa
une sorte de sourire, et je crus qu'il allait mourir sur-le-champ. Je m'agenouillai et
le pris dans mes bras. La première pensée qui me passa par la tête fut qu 'il pesait moins que Bea.
    – Oh mon
Dieu, Fermín, il faut aller tout de l'hôpital.
    Fermín
refusa énergiquement.
    –
Menez-moi chez elle. Chez qui, Fermín ?
    – Chez
Bernarda. Si je dois casser ma pipe que ce soit au moins dans ses bras.

 
     
     
     
     
    19
     
     
     
     
    Ce soir-là, je revins donc à l'appartement de la
Plaza Real dans lequel j'avais juré, des années auparavant de ne plus jamais remettre les pieds. Deux clients du Xam pañet qui, du seuil, avaient assisté au passage à tabac, me proposèrent leur aide pour transporter Fermín jus qu'à la station de taxis de la rue Princesa, pendant qu'un serveur de l 'établissement appelait le numéro que je lui avais donné pour prévenir de notre venue. Le trajet en taxi me parut interminable. Fermín avait perdu connais sance avant même que nous démarrions. Je le tenais dans mes bras, en le serrant contre ma poitrine et en essayant de lui communiquer un peu de chaleur. Je pou vais sentir son sang mouiller mes vêtements. Je lui chu chotais à l'oreille que nous étions presque arrivés, que tout allait s 'arranger. Ma voix tremblait. Le chauffeur me lançait des regards furtifs dans son rétroviseur.
    – Dites donc, moi je ne veux pas d'histoires,
hein ? Si ce type meurt, je vous fais descendre tous les deux.
    – Foncez et taisez-vous.
    Rue Fernando, Gustavo Barceló et Bernarda nous attendaient déjà à la porte
de l'immeuble en compagnie du docteur Soldevila. Quand elle nous vit, couverts de
sang et de boue, Bernarda se mit à pousser des cris hystériques. Le docteur
prit en hâte le pouls de Fermín et assura que le patient était vivant A nous
quatre, nous parvînmes à hisser Fermín dans l'escalier et à le porter dans la
chambre de Bernarda, où une infirmière amenée par le docteur avait déjà tout
préparé. Une fois le patient déposé sur le lit, l’infirmière commença de le
déshabiller. Le docteur Soldevila insista pour que nous sortions de la chambre.
Il nous ferma la porte au nez avec un succinct : « Il s'en
tirera. »
    Dans le couloir, Bernarda pleurait, inconsolable, en
gémissant que pour une fois qu'elle rencontrait un brave homme, Dieu le lui
arrachait en le passant à tabac
    M. Gustavo Barceló la prit dans ses bras et l'emmena à
la cuisine où il se mit en devoir de l'abreuver de brandy jusqu'à ce que la
pauvre puisse à peine tenir debout. Quand les paroles de la bonne devinrent
incompréhensibles, le libraire se servit un verre et le vida d'un trait.
    – Je suis désolé. Je ne savais où aller... risquai-je.
    – Ne t'inquiète pas. Tu as bien fait. Soldevila est le
meilleur traumatologue de Barcelone, dit-il, sans s'adresser à personne en
particulier.
    – Merci, murmurai-je.
    Barceló soupira et me versa une copieuse rasade. Je
refusai le verre, qui passa de ses mains à celles de Bernarda puis à ses
lèvres, entre lesquelles le brandy disparut instantanément.
    – Fais-moi le plaisir de prendre une douche et de te
mettre quelque chose de propre sur le dos, indiqua Barceló. Si tu reviens chez
toi avec

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