Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'ombre du vent

L'ombre du vent

Titel: L'ombre du vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Carlos Ruiz Zafón
Vom Netzwerk:
respectable
citoyen ? D'accord, tu es débile, mais pas à ce point. En plus, je me suis
laissé dire que tu mets ton gros nez dans un tas d'affaires qui ne te regardent
pas. Mauvais signe... Qu'est-ce que tu es allé fricoter chez les bonnes
sœurs ? Tu t'en tapes une ? Combien elles prennent, maintenant ?
    – Je respecte les culs que je ne connais pas, monsieur
l'inspecteur, spécialement quand ils sont sous clôture. Si vous vous décidiez à
faire comme moi, ça vous ferait faire des économies de pénicilline, et vous
grossiriez moins.
    Fumero émit un ricanement méchant et rageur.
    – Ça c'est parler. Des couilles de taureau. Comme je te
dis. Si toutes les canailles étaient comme toi, mon travail serait un plaisir.
A propos, comment te fais-tu appeler en ce moment, crapule ? Gary
Cooper ? Allez, tu me racontes pourquoi tu es allé fourrer ton groin dans
l'asile de Santa Lucia, et peut-être que je te laisserai filer avec juste une
paire de gnons. Vas-y, lâche morceau. Qu'est-ce qui vous amène ici ?
    – Une affaire privée. Nous sommes venus rendre visite à
une personne de la famille.
    – A ta putain de mère, oui. Écoute, tu as de la chance
que je sois de bonne humeur, sinon je t'emmènerais sur-le-champ au commissariat
et je te ferais de nouveau tâter du chalumeau. Allez, sois bon bougre, et dis
la vérité à ton ami l'inspecteur Fumero : qu'est-ce-que vous foutez ici,
toi et ton copain ? Collabore un peu, merde, et tu m'éviteras de faire une
tête toute neuve à ce gamin que tu as pris comme mécène.
    – Touchez à un seul de ses cheveux et je vous garantis que...
    – Tu me
files la trouille, je te jure. J'en ai chié mon pantalon.
    Fermín
avala sa salive et parut faire appel courage qui s'enfuyait par tous ses pores.
    – Est-ce
que ce ne serait pas le pantalon du costume marin que vous a fait mettre votre
auguste mère, l’illustre souillon ? Ça serait dommage, parce qu'on m'a dit
qu’il vous allait à ravir.
    Le visage
de l'inspecteur Fumero blêmît, et toute expression quitta son regard
    – Qu'est-ce
que ta as dit, salopard ?
    – J ’ai dit que
vous sembliez avoir hérité du goût et de la grâce de Mme Yvonne Sotoceballos.
dame de ! société...
    Fermín
n'était pas costaud, et le premier coup suffit à le balayer comme une plume. Il
était encore roulé en boule dans la flaque où il avait atterri quand Fumero lui
expédia une volée de coups de pied au ventre, aux reins et à la figure. A
partir du cinquième, je ce ssai de les
compter. Un instant plus tard, Fermín avait perdu le souffle et toute capacité de bouger un doigt ou de se protéger des coups. Les
deux policiers qui me tenaient riaient par politesse ou par devoir, tout en
m'immobilisant d'une main de fer.
    – Toi, t'en
mêle pas, me chuchota l'un d’eux. J’ai pas envie de te casser le bras.
    J'essayai
de me libérer de leur prise, mais en vain et en me détenant, je vis dans un éclair le visage de celui qui m'avait parié. Je le reconnus tout de suite. C’était
l'homme à la gabardine et au journal du café de la place de Sarriá, celui qui
nous avait suivis dans l’autobus en riant des plaisanteries de Fermín.
    – Tu vois,
moi, ce qui me fait le plus chier au monde c'est les gens qui fouillent dans la merde du passé,
hurlait Fumero en tournant de Fermín. Le passé, il faut le laisser là ou il est, t'as compris ? Ça vaut pour toi et ton crétin d'ami. Et toi, moustique, ouvre bien l’œil et app rends, parce que tu ne perds rien pour attendre.
    J'assistai à la manière dont l'inspecteur démolissait Fermín à coups de pied sous la lumière oblique d'un réverbère.
Tout le temps que dura la séance, je fus incapable d'ouvrir la bouche. Je me
souviens du choc sourd, terrible, des coups tombant sans pitié sur mon ami. Ils
me font encore mal. Je ne pus que me réfugier dans la paralysie où me maintenaient
opportunément les policiers, en pleurant de silencieuses larmes de lâcheté.
    Lorsque Fumero fut fatigué de secouer un poids mort, il
déboutonna sa gabardine, ouvrit sa braguette et urina sur Fermín. Mon ami ne
bougeait plus, dessinant tout juste le contour d'un ballot de vieux vêtements
dans une flaque. Tandis que Fumero déchargeait
un torrent abondant et
mousseux sur Fermín, je restai incapable d'émettre un son. Quand il eut
terminé, l’inspecteur referma sa braguette et se dirigea vers moi, haletant et
la face en sueur. Un des agents lui tendit un mouchoir avec lequel il

Weitere Kostenlose Bücher