Londres, 1200
longuement questionné. Apparemment
son serviteur n’avait commis aucune erreur, mais il restait la possibilité que
l’aubergiste se souvienne de lui, aussi le serviteur du roi Jean avait-il
décidé que Mauluc quitterait Bordeaux au plus vite.
Dinant brûlait de savoir ce qui s’était passé ensuite,
mais il n’osait se rendre dans la grande salle, craignant que Locksley, n’ayant
pas découvert ou reconnu la dague de Mercadier, ne soit au palais pour réclamer
justice et le rencontre.
C’est alors qu’il entendit des éclats de voix,
puis des interjections de colère et de bruyantes exclamations.
Les étages du donjon communiquaient par des
échelles et chaque salle était cloisonnée par des parois de bois. Dinant
occupait la partie la plus éloignée de l’échelle et sa chambre bénéficiait même
d’une porte. Mais en ce lundi après-midi, comme l’étage était vide, il l’avait
laissée ouverte pour ne pas être surpris si quelqu’un venait s’en prendre à
lui.
Vaguement inquiet du tumulte, Mauluc et lui se
saisirent d’une hache et s’approchèrent de l’échelle. Un jeune clerc tonsuré
apparut. Dinant reconnut un domestique d’Aliénor.
— Sei… Seigneur ! balbutia le clerc,
très agité, il s’est produit un… grand malheur !
— Quoi donc ?
— Le seigneur Mercadier… vient d’être
tué ! Notre vénérée duchesse vous mande près d’elle… tout de suite.
— Tué ? Mais comment ? Par
qui ?
— Je ne sais pas, seigneur, mais… mais voici
ce que j’ai entendu : Un seigneur de passage, présent hier au banquet,
nourrissait une violente haine envers le noble Mercadier. Ce seigneur a cru que
Mercadier avait tué une de ses domestiques. Il a voulu se venger et, avec des
comparses, ils se sont rendus chez le seigneur Mercadier qui dînait avec
monseigneur l’archevêque. Il y a eu bataille et le noble Mercadier a été tué.
— Quoi ! Et les autres ?
— Je ne sais pas, seigneur, l’un est mort,
semble-t-il, les autres ont fui.
— J’arrive. Mauluc, attends-moi ici !
Que lui voulait la duchesse ? s’inquiétait
Dinant. Avait-elle des soupçons ? Et si quelqu’un avait reconnu Mauluc au
Chapeau Rouge ? On savait qu’il était dans sa suite. Un homme perspicace
pouvait-il avoir percé son entreprise et l’avoir dénoncé ?
Il se promit de tout nier si on l’accusait. Si
c’était nécessaire, il dirait que Mauluc avait agi de son propre chef, par
haine envers Mercadier. Au pire, il demanderait à être jugé par Jean qui le
sauverait.
Du moins l’espérait-il.
En même temps, il s’efforçait de se rassurer. Si
la duchesse le soupçonnait, ce n’est pas par un clerc qu’elle l’aurait fait
chercher, mais par son capitaine des gardes ou par le prévôt de l’Ombrière.
Malgré cela, c’est un homme livide de terreur qui entra dans les appartements
d’Aliénor.
Celle-ci mit sa pâleur sur le compte de la peine
qu’il éprouvait en ayant appris la mort du fidèle Mercadier. Le sénéchal était
toujours là et fit un nouveau récit de ce qui s’était passé, récit qui rassura
l’âme damnée du prince Jean. On n’avait même pas découvert la dague de
Mercadier ! Donc personne ne soupçonnait Mauluc.
Dinant ressentit un profond soulagement, puis une
immense satisfaction. Non seulement il avait accompli ce que voulait le roi
Jean, c’est-à-dire faire disparaître Mercadier, mais il avait fait accuser
Locksley, son ennemi. C’était un double coup de maître qui mériterait
certainement une belle récompense !
Le sénéchal ayant terminé, Aliénor prit la
parole :
— La mort de Mercadier ne doit pas rester
impunie. Je veux que son assassin, Guilhem d’Ussel, soit pris et pendu.
Dinant approuva fermement de la tête.
— Il vient de partir pour l’Angleterre, et il
est encore temps de le rattraper, ajouta-t-elle.
— Pour l’Angleterre ? s’étonna Dinant.
Mais j’avais cru comprendre qu’il tenait un fief du comte de Toulouse…
Jusqu’à présent, le prévôt de l’Ombrière, le
sénéchal et l’archevêque Hélie ne s’étaient posé aucune question sur ce départ
en nef. Ils savaient que Huntington était anglais, et donc ils avaient trouvé
naturel qu’il regagne l’Angleterre. Ce Guilhem l’avait seulement accompagné.
— Je sais pourquoi Robert de Locksley va à
Londres. Ussel est avec lui non seulement parce qu’il est son ami, mais aussi
pour une autre raison que
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