Londres, 1200
j’ignore.
— Dans ce cas, noble duchesse, il suffit
d’envoyer un messager au grand justicier qui les saisira, proposa Dinant.
La vieille femme secoua la tête.
— Ce n’est pas ce que je veux. Robert de
Locksley a toujours été un loyal sujet de mon fils qui l’aimait grandement. Je
l’interrogerai avant toute décision à son égard. Mais il en est autrement de
Guilhem. Je sais qu’il protège les hérétiques, ceux qu’on appelle les cathares…
C’est un démon.
Hélie blêmit et se signa.
— De plus, je devine qu’il trame quelque
complot avec le roi Philippe. Je veux qu’il soit saisi et qu’il parle, avant
d’être puni. J’ai besoin de quelqu’un de sûr à Londres pour traiter cette
affaire. D’un homme fidèle et habile. Vous, Étienne de Dinant !
— Moi ? Mais c’est impossible, dame
Aliénor ! Votre fils, notre roi vénéré, m’attend !
— Je lui écrirai et il comprendra,
répliqua-t-elle avec froideur. Faites ce que je vous demande, Dinant, et vous
n’aurez pas à le regretter. Je vous promets dès à présent de vous confier un
des comtés du Poitou ou d’Anjou confisqué aux partisans d’Arthur.
— Un comté… chancela Dinant.
Il était cadet de famille et à part son rôle de
conseiller officieux, il n’avait qu’un maigre fief et peu de fortune. En un
instant, il comprit que c’était la chance de sa vie.
— Si c’est votre volonté, ma duchesse
vénérée, je m’y plierai. Mais comment pourrais-je retrouver Guilhem
d’Ussel ?
— Je l’ignore, mais je sais où doit se rendre
Robert de Locksley. Je vais vous l’indiquer. Il faut juste que vous arriviez
avant lui à Londres. Quand vous l’aurez retrouvé, vous n’aurez qu’à le suivre,
il vous conduira à Guilhem. Vous livrerez alors le protecteur des hérétiques au
grand justicier, vous le ferez parler et vous le ferez exécuter. Quant à Robert
de Locksley, qu’il ne lui soit fait aucun mal, mais qu’on me l’amène à
Fontevrault.
Dans la soirée, le sénéchal réquisitionna une nef
qu’il fit mettre en état et approvisionner. Dinant et ses gens partirent le
lendemain avec la première marée.
Le serviteur de Jean était d’autant plus satisfait
de sa mission qu’il avait appris d’Aliénor que Locksley allait chercher mille
cinq cents marcs d’argent chez un juif. Il avait décidé de s’approprier cette
somme, et pour s’assurer la fidélité de Mauluc, qui allait prendre tous les
risques dans l’entreprise, il lui en promit un tiers.
Leur nef suivit à peu près le même trajet que
celle de l ’Anatasie. Ayant aussi échappé à la tempête, Dinant et ses
hommes se firent débarquer dans un port de Cornouailles. Ils y trouvèrent des
chevaux à prix d’or et partirent pour Londres où ils arrivèrent quelques jours
avant Robert de Locksley. À la Tour, Dinant fut reçu par le grand justicier.
Geoffroi Fils-Pierre était un magnifique seigneur
au maintien majestueux et au bel embonpoint. La lourde robe brodée d’or serrée
à la taille par une triple ceinture à laquelle pendait une magnifique épée dans
un fourreau tressé lui conférait un indéniable air d’autorité. Son visage était
remarquable à cause d’un front proéminent, d’épais sourcils sur de lourdes
paupières et d’une belle chevelure bouclée. Ceux qui le connaissaient savaient
combien il était prudent, modéré, porté au soupçon et difficile à tromper. Il
parlait peu et pesait chaque mot, comme si ce qui sortait de sa bouche avait un
prix excessif.
Étienne de Dinant lui remit une lettre d’Aliénor
et le sauf-conduit qu’il avait de Jean, des documents demandant à tous les
seigneurs d’Angleterre de lui apporter l’aide qu’il jugeait nécessaire.
Il expliqua ensuite qu’il était à la poursuite de
Robert de Locksley, que Fils-Pierre connaissait de réputation du temps où le
comte de Huntington n’était que le hors-la-loi Robin Hood, Robin au Capuchon.
— Notre noble et vénéré roi Jean veut que le
comte de Huntington soit saisi et lui soit livré, insista Dinant. Ce Locksley
l’a trop souvent bravé et, dernièrement encore, il a fait échouer une
importante entreprise que je conduisais pour l’Angleterre.
Geoffroi Fils-Pierre méprisait Jean pour sa
lâcheté, ses mensonges et son libertinage sans bornes. S’il avait accepté de
l’élire, comme la plupart des grands barons, c’est parce qu’il n’avait pas eu
le choix. Bien sûr, il
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