Londres, 1200
corps de garde.
C’était Aldegate qui marquait aussi le début d’une grande rue marchande.
Jugeant inutile de sortir de la ville et de longer
l’enceinte par l’extérieur, il rentra au Vieux Cygne.
En arrivant, il chercha l’aubergiste qu’il trouva
dans son cellier avec maître Berthomieu. Les portefaix terminaient la livraison
des tonneaux de l’Anatasie. Prenant à part l’hôtelier, Guilhem lui
demanda comment les tonneaux de vin étaient portés dans la Tour.
— Avec mon chariot, j’en transporterai douze
demain, seigneur.
— Vous les livrez où ?
— Dans la cour, devant la tour blanche, répondit
l’aubergiste, surpris par la question.
— Ils sont entreposés dans la Tour ?
— Je ne crois pas, seigneur. J’ai vu une fois
qu’on les emmenait dans la deuxième enceinte. Il y a là un grand hall avec des
celliers, mais je n’y ai jamais pénétré.
Guilhem le remercia et revint dans sa chambre en
méditant. S’il accompagnait l’aubergiste pour faire sa livraison, il ne serait
guère avancé. Tout au plus pourrait-il reconnaître les lieux. Quant à se mettre
dans un tonneau, c’était courir le risque, bien réel, d’être ensuite enfermé
dans un cellier, peut-être durant des semaines, et d’y mourir de soif et de
faim !
Il rencontra alors Bartolomeo qui le cherchait.
Robert de Locksley était revenu et réunissait tout le monde dans sa chambre.
Comme on n’attendait plus que lui, Locksley
commença. Il raconta sa visite au banquier juif et comment il avait eu des
soupçons en voyant une ombre disparaître derrière une fenêtre.
— Ruben, le domestique de Nathan le Riche,
avait à peu près mon allure. Pour un sequin, je l’ai convaincu de se raser la
barbe, de mettre mon bonnet et mon manteau et de partir avec Ranulphe et
Cédric. Nathan était aussi d’accord, car il s’inquiétait à l’idée qu’un espion
le surveillait. Quand de sa fenêtre j’ai vu quelqu’un quitter la maison du voisin,
je suis sorti à mon tour derrière lui. J’avais expliqué à Ranulphe où aller. Si
un espion nous suivait, je pensais qu’on serait tranquilles sur la grève pour
le faire parler.
Locksley poursuivit jusqu’à la fuite de l’aviseux
et termina par le témoignage de Ranulphe.
— Tu es certain que tu l’avais vu dans
l’hôtellerie ? demanda Guilhem à l’écuyer.
— Certain, seigneur.
Guilhem remarqua le visage défait d’Anna Maria.
Son amie avait été assassinée à sa place, et l’assassin – car on ne
pouvait douter que l’aviseux soit le tueur de Mathilde – était maintenant
sur les traces de son mari. Quelle créature diabolique était derrière tout
cela ?
— Qui, à part Aliénor et l’abbé du Pin,
savait que tu viendrais chez Nathan le Riche ? demanda-t-il à Robert.
— Personne, à ma connaissance, mais il a dû y
avoir des domestiques, un notaire, des clercs aussi…
— Et un de ceux-là aurait affrété une nef,
serait arrivé avant nous en Angleterre et aurait convaincu le grand justicier
d’envoyer des gardes chez le voisin de Nathan où, après l’avoir accusé d’être
sorti sans sa marque de juif, il lui aurait imposé la présence d’un
espion ? Le même homme que Ranulphe a vu au Chapeau Rouge juste avant
qu’on assassine Mathilde avec le couteau de Mercadier ? persifla Guilhem.
Il secoua lentement la tête, tandis que Locksley
faisait une mimique montrant qu’il n’y croyait pas plus que lui.
— Donc les choses sont simples.
L’espion – appelons-le ainsi – est venu au Chapeau Rouge dans le
dessein de tuer Mathilde, ou plus certainement Anna Maria, avec l’arme de
Mercadier qu’il avait volée, car si Mercadier voulait nous faire savoir qu’il
était l’assassin, il nous aurait attendus, et ce n’était pas le cas. De plus,
Mercadier nous a bien dit qu’on lui avait pris son couteau. Ensuite l’espion
est venu à Londres, et ce ne peut être qu’Aliénor qui l’a renseigné sur Nathan
le Riche.
Locksley était parvenu aux mêmes conclusions,
aussi opina-t-il avant de demander :
— Mais pourquoi dame Aliénor nous aurait-elle
envoyé l’assassin de Mathilde ? Pourquoi aurait-elle monté cette manigance
contre nous ?
— Tout n’a été que piperie et menterie !
répondit Guilhem en secouant la tête. Celui qui a tué Mathilde a déposé une
fausse preuve accusant Mercadier. Soit pour que nous vengions Mathilde, soit
pour le faire condamner. Dans les deux cas,
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