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Londres, 1200

Londres, 1200

Titel: Londres, 1200 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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Street, comme l’appelaient les
habitants de Londres. De part et d’autre de la ruelle s’ouvraient d’étroits
culs-de-sac bordés de masures en bois et torchis avec des galeries branlantes
reliant les étages. Arrivés dans Tower Street, ils prirent sur la droite,
passèrent devant l’église de Barking, que Guilhem avait vue la veille, et
s’arrêtèrent à l’auberge de Sainte Catherine.
    Là, s’étant revêtu de sa cotte mi-partie verte et
violette, et coiffé de son bonnet à grelots, Bartolomeo couvrit de farine le
visage de son maître, puis, avec sa sœur, ils se maquillèrent mutuellement avec
des fards de couleurs.
    Ils auraient pu partir du Vieux Cygne ainsi
affublés, mais sachant que leur ennemi mystérieux, qui les connaissait sans doute,
était peut-être à la Tour, Guilhem ne voulait laisser aucune trace derrière
eux. S’ils devaient s’enfuir, il ne fallait pas qu’on puisse rapidement
découvrir qu’ils venaient du Vieux Cygne afin qu’ils aient le temps de
récupérer leurs affaires et de disparaître en barque.
    Laissant leurs compagnons à l’auberge, les trois
jongleurs se dirigèrent vers la Tour. Anna Maria portait son psaltérion,
Guilhem avait la boîte de sa vielle à roue à la main et Bartolomeo un sac
contenant toutes sortes d’objets et de déguisements pour faire rire le public.
Les deux hommes avaient aussi gardé une longue dague à leur ceinture.
    Les marchands ambulants étaient déjà arrivés et
les étals se garnissaient. En grognant, les chiens du dresseur se goinfraient
d’une bouillie d’abats dans une grande auge. Un funambule négociait avec les
gardes pour tendre une corde entre la barbacane et un arbre afin de faire des
pirouettes au-dessus du fossé plein d’eau. Enfin, un marionnettiste installait
un théâtre de toile.
    À un jet de pierre du pont, Anna Maria prit le sac
de son frère et Bartolomeo donna sa dague à Guilhem avant de se mettre sur les
mains. Il avança ainsi, faisant tintinnabuler son bonnet à clochettes. En même
temps, Guilhem jouait un air entraînant sur la vielle et Anna Maria tirait des
sons joyeux du psaltérion.
    Ce tintamarre attira tous les regards. Quand le
groupe de badauds rassemblés autour d’eux fut suffisant, Bartolomeo se remit
sur ses jambes et fit quelques pirouettes avant d’annoncer le Gggggrand
spectacle de chants et jongleries des troubadours du Limousin venus par-dessus
les mers rencontrer les habitants de la Gggggrande ville de Londres.
    Séduite par la nouveauté de ces jongleurs qu’elle
n’avait jamais vus, la badaudaille s’agglutina, tandis que cruches de cidre et
d’ale s’emplissaient pour se vider dans les gosiers. Même quelques serfs,
anneau de fer au cou, se joignirent à la foule pour jouir du spectacle gratuit.
    — Oyez, oyez, oyez ! Compères et
compagnons, voulez-vous entendre, de la plus aimable des jongleuses de la
ménestrandie de France, la triste complainte des ducs de Normandie ? lança
Guilhem à grand renfort de pincements de cordes de sa vielle.
    — Oui ! cria la foule, bouillant de
curiosité.
    Anna Maria salua plusieurs fois avec grâce et le
silence eut du mal à revenir tant les vivats admiratifs se prolongeaient.
    Elle commença enfin son aubade :
     
    Por
l’amor e por l’aliance
Que li dux out al rei de France,
Qua lor voleir fust-il murdriz,
Mult le haeient veirement,
Mais ceo esteit occultement.
Quant ne li peussent forfaire
Ne voleient grant semblant faire
Mais l’amonestere infernal,
Par qui sunt engendré li mal,
Par qui sunt faiz les granz desleiz,
Les traïsons e les reneiz,
Les murdres, les dissensions
E les granz persécutions…
     
    — Damnés pourceaux ! l’interrompit
soudain une voix chargée de colère.
    Tout le monde se retourna dans la direction d’où
venait l’injure. C’était le briseur de chaînes qui arrivait, le visage
écarlate.
    — Croyez-vous pouvoir prendre ma place
ainsi ? menaça-t-il, fendant la presse en agitant sa chaîne.
    — L’ami, laisse-les tranquilles ! lui
lança un marchand de vin. Depuis trois jours, tu n’as attiré personne et nous
ne faisons pas d’affaires. Au moins ceux-là font remplir les pots et les
hanaps !
    — Mais c’est ma place ! protesta le
colosse, dépité par la remarque du tavernier qui déchaînait les rires de
l’assistance.
    Guilhem tendit sa vielle à roue à Bartolomeo et,
s’approchant du colosse, il le prit amicalement par l’épaule pour l’entraîner

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