Londres, 1200
humain et n’obéit à personne. De plus, d’après ce qu’on m’a rapporté,
il fait la loi en Guyenne. Partez seul, seigneur Gautier, car pour notre part
nous préférons éviter la Gascogne !
— Comment ferez-vous pour aller à
Bordeaux ?
— Par la Garonne. Ce sera plus lent mais plus
sûr. Après tout, nous avons le temps puisqu’il suffit que nous soyons à
Bordeaux pour Pâques [38] .
— Connaissez-vous le fleuve ?
— Non, mais j’ai déjà voyagé dans une gabare.
Comme elles naviguent au milieu du fleuve, on ne peut les attaquer des rives,
et le soir, elles font halte dans des ports fortifiés. Nous serons à l’abri des
Brabançons.
Ne pouvant les faire changer d’avis, Gautier
partit le lendemain et, peu après Châteauneuf rentra à Paris.
Guilhem et Robert de Locksley restèrent un jour de
plus à Lamaguère pour préparer leur départ et ils annoncèrent au dernier moment
le nouvel itinéraire à ceux qui les accompagnaient. Regun et Mathilde
accueillirent ce changement avec faveur, persuadés qu’ils seraient plus vite
arrivés en Angleterre. Ranulphe et Cédric parurent indifférents, mais en
revanche Jehan marqua une grande inquiétude, n’ayant jamais mis les pieds sur
une nef.
La veille du départ, il y eut un banquet dans la
salle du château. Aignan et Geoffroi chargèrent Jehan, quand il serait à Paris,
de se rendre rue du Coq et rue des Deux-Portes pour savoir ce que devenaient
leurs commerces : la librairie de parchemins pour Aignan, et la taverne du
Lièvre Cornu, pour Geoffroi. En les entendant parler, Cédric lança alors à
Geoffroi :
— Je te promets d’y aller aussi, au Lièvre
Cornu ! Depuis que tu en parles, j’ai besoin de vérifier si le vin
d’Auxerre y est vraiment bon !
Le lendemain, ils prirent la route d’Agen, un des
principaux ports sur la Garonne. Les gabares chargées de tonneaux de vin
remontaient le cours du fleuve jusqu’à Toulouse pour redescendre avec des
ballots de pastel et d’étoffes, ils trouveraient facilement de la place sur
l’une d’elles moyennant pécunes.
Comme ils n’embarqueraient pas leurs chevaux, ils
n’avaient pris ni haubert ni écu qui auraient été encombrants à porter. Guilhem
s’était seulement vêtu de son gambison de cuir rouge rembourré d’une épaisse
étoffe de filasse. Fendu entre les jambes, il lui descendait jusqu’aux genoux.
Dessous, il avait des trousses écarlates et des heuses de cuir rouge, serrées
par des boucles de fer. Pour se protéger de la pluie et du froid, il portait
aussi un hoqueton de laine grise à capuchon ainsi que des gantelets de maille
et de buffle.
Locksley avait son épais justaucorps vert olive en
laine de Lincoln. Par-dessus, il arborait sa tunique de croisé brodée d’une
croix rouge, serrée à la taille par une double ceinture de daim où était
attaché un fourreau de cuivre gainé de cuir avec une épée à la garde tressée.
Un ample manteau de laine écarlate le protégeait du froid et de la pluie et il
était chaussé de heuses noires. Quant à Bartolomeo, sous un mantelet à chaperon
descendant aux genoux, il avait enfilé une casaque matelassée de couleur
turquoise ainsi que des grèges sombres.
Les autres étaient vêtus de cottes de cuir ou de
surcots de toile matelassée renforcés d’anneaux de fer sur la poitrine et dans
le dos.
À l’exception de Locksley coiffé d’un bonnet vert
à bord retroussé, tous, y compris les femmes, portaient un casque à nasal,
parfois sur un camail de mailles couvrant leurs épaules. Comme Guilhem, une
chape à large capuchon ou un épais mantel de laine les protégeait du froid et
de la pluie. Mathilde et Anna Maria étaient vêtues comme les hommes. Avec leurs
cheveux tressés, il était impossible de deviner qu’il s’agissait de femmes.
Ils ne s’étaient armés que d’une épée à double
tranchant et d’une miséricorde, ou une dague, attachées à leur double ou triple
ceinturon. Les Saxons avaient leurs arcs et leurs carquois, et Jehan une
arbalète ainsi qu’une fronde. Guilhem avait aussi pris une hache.
Tous avaient de légères rondaches de fer ou de
bois couvertes de cuir.
Dans leurs bagages, Robert et Guilhem
transportaient une robe d’apparat, les femmes un bliaut et Anna Maria un second
bliaut en soie galonné d’or et tissé de couleurs ainsi que des chemises, des
tuniques et des chausses. Guilhem avait aussi emporté sa vielle à roue, Anna
Maria son psaltérion et
Weitere Kostenlose Bücher