Londres, 1200
était exigeant.
— C’est que…
— Damné pourceau ! Ne me dis pas que tu
n’as pas de place ! gronda rageusement Mauluc, une main posée sur la garde
de son épée.
— Tout est plein… seigneur, murmura le
tenancier, consterné.
— Discutes-tu avec moi, maroufle ? Je te
dis que ce n’est pas possible ! menaça Mauluc. N’as-tu pas des gens qui
partent aujourd’hui ? Sinon, jette-les dehors !
L’hôtelier pensa immédiatement à ce Guilhem et au
comte anglais qui l’accompagnait. N’avaient-ils pas dit qu’on leur porte leurs
bagages sur l’appontement après none ? Ils embarquaient certainement sur l’Anatasie du capitaine Berthomieu qui appareillait avec la marée de l’après-midi.
— Je vais avoir trois belles chambres,
seigneur, mais seulement après-midi, marmonna-t-il.
— Par ma foi, je le savais bien ! Je
veux les voir !
— Pour l’instant, elles sont occupées,
seigneur…
— Hum… Comment sont-elles, combien de gens
peut-on y loger ?
— La plus petite a un beau lit, deux dames
l’occupent. Deux chevaliers sont dans la deuxième avec leurs écuyers dans la
dernière.
— Combien sont-ils dans celle-là ?
— Cinq, seigneur, mais le lit est grand, on
peut y dormir à six ou sept.
— Elles sont à l’étage ?
— Oui, seigneur, répondit obséquieusement
l’hôtelier en désignant l’escalier.
— Je veux voir où elles se trouvent !
— Annette ! lança l’aubergiste à une
souillon, accompagne ce seigneur à l’étage et montre-lui où se trouvent les
chambres du comte de Huntington et du seigneur d’Ussel.
La fille, qui nettoyait les tables et avait tout
entendu, s’exécuta.
— Par ici, seigneur, fit-elle servilement.
Mauluc la suivit dans l’escalier. En haut, ils
prirent une longue et sombre galerie qui desservait des portes. Alors qu’ils
s’approchaient de l’une d’elles, celle-ci s’ouvrit et Ranulphe en sortit.
L’écuyer jeta un regard soupçonneux à Mauluc, Guilhem lui ayant dit de se
méfier de la présence d’inconnus, mais ayant observé que celui-là était seul,
il l’ignora et descendit.
— C’est l’une des chambres, seigneur,
chuchota la fille. Les autres sont celle-ci et celle-là.
— Où va cette galerie ?
— Vers la cour, seigneur. Il y a une échelle
pour descendre.
— Ça ira. Je vais attendre mon maître dans la
salle.
Ils redescendirent. Mauluc s’installa à une table
éloignée de celle où se trouvait Ranulphe.
La salle se remplissait de marchands, manœuvriers,
marins et charretiers venus manger une soupe ou boire un coup. Un groupe
descendit bruyamment de la galerie. Mauluc reconnut le chevalier à côté de
Huntington au banquet. Cinq hommes étaient avec lui. Ils s’installèrent avec
celui qu’il avait croisé.
Ils étaient donc tous là, se dit-il. Il se leva,
gardant son visage dans l’ombre, et sans que l’on fit attention à lui, tant la
salle regorgeait de monde, il grimpa l’escalier.
L’une des trois portes était forcément celle de la
duchesse de Huntington. Négligeant celle d’où était sorti Ranulphe, il gratta à
la suivante.
— Qui est-ce ? demanda une voix
féminine.
Mauluc sortit la dague volée à Mercadier.
— Je suis écuyer de Sa Grâce, la vénérée
duchesse Aliénor d’Aquitaine. J’ai un coffret à remettre à la noble comtesse de
Huntington.
Il entendit le verrou qu’on tirait puis la porte
s’ouvrit.
Mauluc fut surpris de ne pas reconnaître la femme
présente au banquet avec Robert de Locksley, mais finalement cela n’avait pas
d’importance, se dit-il, et il n’avait pas de temps à perdre.
Il enfonça la lame dans le ventre de Mathilde,
relevant la pointe pour trancher les chairs profondément. Ensuite, sans
regarder le résultat, il lâcha le manche du couteau et s’enfuit au bout de la
galerie en direction de l’échelle.
Il ouvrait la porte extérieure quand il entendit
le hurlement.
Malgré le vacarme dans la salle, tout le monde
entendit le hurlement. Un cri abominable et désespéré. Robert de Locksley crut
reconnaître la voix d’Anna Maria et se précipita, les autres à sa suite.
Arrivés dans la chambre, ils découvrirent un spectacle d’horreur.
Mathilde était allongée, baignant dans son sang.
Une énorme plaie rouge au bas de sa robe d’où sortaient des boyaux fumants. La
bouche ouverte, elle paraissait souffrir le martyre et agonisait.
Anna Maria était à ses genoux et
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